« Mais auparavant, il devait libérer son ange gardien du monstre, obtenir à nouveau ses faveurs. Il attendait impatiemment son autorisation pour se mettre en route. C’était le seul moyen de vaincre sa faiblesse. Et sa vie récupérerait ainsi sa flamme.
Il se releva.
— Personne ne va m’arrêter. Personne, dit la voix râpeuse.
La nuit l’accueillit à bras ouverts.
Il sentait déjà s’enflammer sa chaleur intérieure. De la lave ».
Et bien quel pavé !!! 672 pages… et à mon avis, l’auteur, Aro Sainz de la Maza, aurait pu l’alléger un petit peu… par moment, c’est un peu long et un peu confus.
Mais cela n’enlève rien au fait que c’est un polar/thriller très bien mené, haletant et dont on attend impatiemment la fin pour enfin savoir…
J’avoue que c’est le titre qui m’a attiré car j’aime Gaudi et c’était vraiment tentant d’allier 2 plaisirs pour moi : les thrillers et Gaudi. D’ailleurs, cela me donne très envie de me ‘re) plonger dans un livre sur cet architecte incroyable pour tenter de mieux le comprendre (Le bourreau de Gaudi donne des pistes, mais il faut approfondir !). En lisant ce livre, on sent bien que l’auteur aime Barcelone et Gaudi…
Dans ce thriller, on suit un policier, Milo Malart, à l’âme torturée, à la personnalité bien à part. Il fonctionne à l’instinct, avec des méthodes très particulières, très peu orthodoxes. D’ailleurs, il est mis à pied au début de l’histoire. On « vient le chercher » car l’enquête tourne en rond et le crime est très particulier, tout comme Milo. Il est également en pleine « dépression » car son jeune neveu Marc s’est suicidé avec son arme de service qu’il n’avait pas rangée… Il culpabilise et mène l’enquête pour comprendre son geste. Peu à peu ses 2 enquêtes se rejoignent. C’est parfois perturbant d’être dans la tête de Milo.
Je vous conseille ce polar, c’est un premier roman, il faudra suivre l’auteur.
« — Milo, tu es là ? Je n’entends que ce foutu vent autour de toi ! Milo ?
— Oui, je suis là, je ne dors pas encore, non !
— Je ne comprends pas comment tu peux supporter cette saloperie de tramontane ; est-ce que tu sais que ça rend fou ?
— Rassure-toi, ma chère, ce n’est pas le vent qui est responsable de ma folie, répondit-il distraitement. Si je comprends bien, c’est toi qui instruis l’affaire ?
— Malheureusement, c’est moi qui étais de garde, répondit la juge. Il y a des jours, comme ça, où j’aurais préféré ne jamais avoir quitté le tribunal d’instance, au moins j’étais tranquille comme juge des tutelles. Je n’ai vraiment jamais eu de chance dans mon boulot.
— La chance, chacun se la fabrique, cita-t-il sans même s’en apercevoir ».
Résumé éditeur :
Un corps en flammes est retrouvé pendu au balcon d’un des monuments les plus emblématiques de Barcelone, La Pedrera, d’Antonio Gaudí. Bien mauvaise publicité pour la ville à quelques semaines de la consécration par le pape de la Sagrada Familia. Les services policiers sont aux abois et réintègrent l’électron libre Milo Malart, révoqué par mesure disciplinaire. Tandis qu’il enquête en binôme avec une jeune sous-inspectrice, qui semble tout droit sortie d’une série américaine à succès, les meurtres s’enchaînent selon un rituel immuable : toujours des membres de l’oligarchie barcelonaise, férocement mutilés au sein des édifices du célèbre architecte qui fait la gloire de la ville. Barcelone a vendu son âme au diable ; elle doit payer le prix de sa magnificence.
La chasse à l’homme est ouverte, mais qui cherche-t-on ? Un prédateur sadique assoiffé de vengeance ou la victime d’un système politique arrogant et corrompu, qui sacrifie les plus fragiles au faste tapageur de la ville et à sa manne touristique ? Pour répondre, il faut d’abord décrypter le symbolisme ésotérique des œuvres de Gaudí, aux formes proprement hallucinantes.
Dans une intrigue magistralement tenue jusqu’à la dernière page, orchestrant pressions politiques, énigmes maçonniques, mœurs dissolues et presse à sensation, Le Bourreau de Gaudí plante l’envers du décor d’une cité unanimement saluée pour sa beauté et sa prouesse architecturale. Une “Ville des prodiges” terriblement moderne et effroyablement archaïque.
« De là, il leva les yeux et, une fois de plus, fut étonné par la beauté de ce bâtiment décidément toujours aussi insolite. Majestueux, unique, exceptionnel. Une des œuvres les plus emblématiques, personnelles et imaginatives d’Antoni Gaudí. “L’expression tourmentée d’un esprit catalan”, se souvint-il qu’avait dit Dalí à propos de cet immeuble-sculpture.
Il observa les cinq étages, les ondulations de la façade. On aurait dit qu’une puissance magique avait donné forme à cet énorme bloc, à qui elle avait également imprimé du mouvement. Tout dans ce bâtiment donnait l’impression d’une certaine fluidité, aussi bien les fers forgés des balcons, représentant des racines, des fleurs et des plantes grimpantes, que les surfaces arrondies fuyant la ligne droite. Des cheminées dépassaient sur la terrasse ; la combinaison des conduits et des chapeaux qui les coiffaient les faisait ressembler à de grands soldats déguisés et munis de heaumes. Leur visage était perforé de telle façon qu’il donnait l’impression fantomatique d’avoir des orbites toutes noires et sans yeux ».
Lien vers la fiche du livre sur Babélio
http://www.babelio.com/livres/Sainz-de-la-Maza-Le-Bourreau-de-Gaudi/621932
« Pendant qu’il réfléchissait à cela, il observa le plan suivant de la vidéo. Déjà posté à l’angle opposé de La Pedrera, l’assassin filmait à distance l’agonie et la mort d’Eduard Pinto. Il calcula que ce plan correspondait à cinq heures quarante-cinq, une minute après avoir quitté à toute vitesse le pan coupé de la Casa Milà et sa victime en train de brûler.
Parfaitement cadré, le corps apparaissait enveloppé dans les flammes. La déchirante douleur mordant chaque cellule de son être ».
« Voilà comment travaille une certaine classe sociale barcelonaise depuis plus d’un siècle, les bonnes familles, les fameux quatre cents individus… toujours les mêmes. - Faut pas généraliser, Milo. - Je me contente de faire remarquer l’évidence, répliqua-t-il. Il y a les pouvoirs publics, légitimes, puis ce qu’on appelle la “société civile” ou “des familles”, celle qui occupe tous les postes clés à la tête des conseils d’administration des principales institutions de Barcelone. Le pouvoir authentique. Je veux parler de cette élite catalane qui entretient des liens de parenté, de couple ou d’amitié ».
« Le faisceau de lumière aveuglante s’alluma, illuminant la cellule où Félix Torrens était allongé par terre. Recroquevillé sur lui-même, il se serrait dans ses propres bras. Son cerveau enflé mit plusieurs instants à réagir. Il se tortilla sur le sol en gémissant et parvint à redresser la moitié de son corps.
— J’ai modifié mes projets, dit une voix râpeuse.
Complètement engourdi, il sentit renaître une étincelle d’espoir. Il se traîna péniblement vers la grille en essayant de ne pas sentir les lancements aigus de ses muscles tétanisés. Il s’accrocha à deux mains aux barreaux et lutta pour se mettre debout, mais ses jambes ne répondaient pas.
Sans forces, il se laissa retomber, la tête ballante, et s’immobilisa à moitié assis.
— Tu es là ? demanda-t-il les cordes vocales nouées.
Le silence était si dense qu’il pouvait sentir la pression que celui-ci opérait sur ses tympans ».
« Il ouvrit la porte de l’appartement. Celui-ci se trouvait dans le noir, sentait le renfermé. Près de la porte, il aperçut le meuble où il avait posé son arme en commettant l’erreur impardonnable. La négligence. Il hésita à entrer ou pas. Deux mois sans se rendre dans ce qui avait été son foyer. Là où malgré tout il avait vécu heureux avec Irene. À l’angle de l’avenue Diagonal et de la rue Sabino de Arana. On ne pouvait faire moins s’agissant d’une Margarit. Quelqu’un de ce nom devait impérativement exhiber son statut, comme au cimetière. C’était la dynamique des personnes possédant un complexe de classe. Mais à présent, cet appartement était habité par un fantôme.
Il inspira une bouffée d’air et entra ».
« La silhouette recula d’un pas et observa le résultat.
— Il ne faudrait pas que tu rates le spectacle, dit-elle.
Elle recula davantage, pointa la caméra et continua à filmer, à présent en plan moyen. Elle s’efforça de cadrer parfaitement la croix de Gaudí.
Lorsqu’elle considéra que cela suffisait, elle éteignit la caméra. Placée comme elle l’était, sur le promontoire, elle n’avait pas assez de recul pour prendre un plan d’ensemble. Ce n’était pas très gênant, elle le ferait d’en bas. Ce serait même plus impressionnant. Plus esthétique, plus magnifique.
— Je vais m’occuper de toi tout de suite, brave garçon.
Malgré son état d’extrême faiblesse, pris de panique, l’homme tentait de se libérer de ses liens.
La silhouette vêtue de noir tira un briquet Zippo de sa poche et l’ouvrit avec un cliquetis métallique. Ensuite, elle se plaça à deux mètres du crucifié et le lui lança dessus. Il s’enflamma sur-le-champ ».