« Je survole le sous-titre : « La vie de Monika Göth, la fille du commandant de camp de concentration du film La Liste de Schindler ». Monika Göth ! Je connais ce nom. C’est celui de ma mère. Cette mère qui m’a confiée à un foyer, il y a si longtemps, et que je n’ai pas revue depuis de nombreuses années ».
Quand j’ai entendu parler de cette histoire, VRAIE, j’ai été sidérée…. Imaginez. Une jeune femme, allemande, métisse (son père est nigérian), abandonnée par sa mère et adoptée par une famille allemande classique, découvre PAR HASARD, à la bibliothèque un livre qui raconte la vie de sa mère biologique…. fille d’un commandant nazi, cruel et sadique, d’un camp d’extermination en Pologne. Amon Göth, celui-là même dont l’histoire est racontée dans le film mondialement connu, La liste de Schindler.
Et le titre de son livre récit résume bien toute l’horreur de sa réalité. En tant que métisse, son grand-père biologique l’aurait tuée sans l’ombre d’une hésitation.
Cette jeune femme, mariée, maman de deux enfants, ayant vécu de nombreuses années en Israël, car elle aime ce pays, elle y a deux de ses meilleures amies…. découvre qu’on lui a toujours menti sur ses origines, cherche à comprendre, à connaître la vérité, et se pose l’affreuse question : le « nazisme » est-il inscrit dans ses gènes, et l’a-t-elle transmis sans le savoir à ses propres enfants ?
Ce livre est le récit de sa quête, de ses souvenirs, de ses questionnements, de son cheminement… Ce livre interroge sur l’identité… Car non seulement elle découvre à la trentaine ses origines biologiques avec ce criminel nazi, mais ayant été abandonnée vers ses 3-4 ans, c’est aussi tout un questionnement sur l’abandon, l’adoption etc.
Sa nationalité allemande aussi n’est pas anodine. Ce livre est traversé par le travail de mémoire de la nation allemande après la seconde guerre mondiale, et surtout l’holocauste. Qui savait ? Pourquoi si peu de réactions ? Et surtout la chape de silence sur toute cette histoire après la guerre, pendant de si longues années.
Le travail de mémoire est aussi abordé du côté juif, israélien, car Jennifer se sent tellement coupable (alors qu’elle n’est en rien responsable des actes de son grand-père) qu’elle n’ose avouer à ses amies israéliennes, sa vraie identité…. elle finira par réussir à le faire et à retourner la tête haute en Israël et faire tout un travail sur elle-même.
La mère de Jennifer avait 10 mois quand son père, Amon Göth, a été pendu pour crime de guerre. Elle a eu une très brève liaison avec le père de Jennifer, un Nigérian. Jennifer ne fera sa connaissance que ces dernières années.
La mère de Jennifer n’était pas une femme aimante. Jennifer a peu de souvenirs d’elle quand elle était petite, et surtout pas des moments de tendresse. Par contre sa grand-mère, la femme de cet Amon Göth, aimait beaucoup la petite fille et lui témoignait de la tendresse et de l’amour. Les seuls souvenirs chaleureux de sa petite enfance viennent de sa grand-mère. La découverte a été d’autant plus terrible pour Jennifer. Surtout que sa grand-mère n’a jamais renié son amour pour Amon Göth et ce qu’il a fait. Dualité terrible pour Jennifer, sa douce grand-mère aimée et la compagne d’un criminel nazi.
Bon je vais m’arrêter… mais vous l’aurez compris, ce livre est prenant, intéressant et pose tellement de questions. Je vous le conseille vivement.
« Tout le monde ne parlait que de ce film sur l’Holocauste réalisé par Steven Spielberg. Je ne l’ai visionné que plus tard, à la télévision israélienne, seule dans ma chambre, dans l’appartement en colocation où je vivais, rue Engel, à Tel-Aviv. Je me rappelle parfaitement ne l’avoir pas trouvé très bon. Vers la fin, il devient kitsch, trop hollywoodien.
La Liste de Schindler n’était pour moi qu’un film, qui n’avait rien à voir avec mon histoire.
Pourquoi personne ne m’a dit la vérité ? Est-ce qu’on m’a donc menti pendant toutes ces années ? »
Résumé éditeur :
Abandonnée par sa mère à tout juste un mois, ce n'est qu'à 38 ans, et par le plus grand des hasards, que Jennifer Teege découvre le secret de sa famille : elle est la petite-fille du commandant de camp de concentration Amon Göth, bien connu grâce au film de Steven Spielberg La liste de Schindler. Cette brute est le rival du héros sauveur des Juifs, Oskar Schindler. Responsable de la mort de milliers de personnes, Amon Göth a été pendu en 1946. Sa compagne, Ruth Irene, la grand-mère chérie de Jennifer, s'est suicidée en 1983. Jennifer Teege est la fille d'une Allemande - la fille d'Amon Göth - et d'un Nigérien. Élevée dans une famille adoptive, elle a fait ses études en Israël. Avec cette découverte, elle est soudain confrontée à un secret qui ne la quitte pas un instant : comment vivre avec cet héritage familial ? Que dire à ses amis juifs ? À ses propres enfants ? Elle entame alors un profond travail de mémoire et reprend contact avec sa mère. Secondée par la journaliste Nikola Sellmair, elle part à la recherche de son histoire, se rend en Pologne, en Israël. Pas à pas, le choc que lui a causé la découverte des tréfonds du passé familial se transforme en une libération. Le récit de cet incroyable secret de famille décrit brillamment les conséquences dévastatrices des actes des nazis sur leurs enfants et leurs petits-enfants. Un témoignage bouleversant et une réflexion indispensable sur la mémoire.
« Près d’un an s’est écoulé depuis la découverte du livre sur ma mère, à la bibliothèque. Depuis, j’ai lu tout ce que j’ai pu trouver sur mon grand-père et sur la période nazie. Son souvenir me poursuit, je pense à lui sans interruption. Est-ce que je le vois comme un grand-père ou comme une figure historique ? Pour moi, il est deux : le commandant de Płaszów Amon Göth et mon grand-père ».
Lien vers la fiche du livre sur Babélio
http://www.babelio.com/livres/Teege-Amon-Mon-grand-pere-maurait-tuee/650892
« Amon Göth fut extradé vers la Pologne en même temps que Rudolf Höss, l’ancien commandant du camp de concentration d’Auschwitz. Ils arrivèrent tous deux à la gare centrale de Cracovie le 30 juillet 1946. Une foule en colère les y attendait. Mais ce n’est pas sur Rudolf Höss, l’homme qui fit gazer des centaines de milliers de Juifs, que la foule en rage se précipita. C’est Amon Göth qu’elle voulait lyncher, « le boucher de Płaszów » ».
« Lorsque Jennifer Teege parle de sa grand-mère, sa voix faiblit, ses yeux brillent. Entre rejet et affection, entre accusation et défense, elle semble hésiter. Ce sujet la travaille.
« Je ne savais rien de tout cela. » Cette phrase, Ruth Irene Kalder l’a répétée souvent, après la guerre. Cette phrase a scandé la jeunesse d’un nombre incalculable d’Allemands. Leurs parents, leurs grands-parents prétendaient n’avoir jamais rien su du massacre d’innombrables vies humaines – quant aux enfants et petits-enfants, ils ne savaient pas s’ils pouvaient, s’ils devaient les croire ».
« J'ai essayé de donner à mes fils tout ce dont j'avais été privée pendant tant d'années: de la chaleur, de la sécurité. Une certaine normalité.
Ce que je veux leur donner de plus important, aujourd'hui, c'est une solide confiance en eux. Je ne veux pas qu'ils soient contraints de se construire au fil d'interminables heures de thérapie, comme je l'ai fait moi ».
« Sur le papier, j’étais désormais une Sieber. Sur mes cahiers d’école de CM1, j’inscrivais un autre nom qu’en CP. Ma mère, pourtant, continuait d’être ma mère.
Mes parents adoptifs se disaient qu’il valait mieux me traiter comme si j’étais réellement leur fille. Faire comme si j’avais toujours été là.
Mais notre histoire commune avait commencé quand j’avais trois ans. Je suis arrivée chez eux en tant que Göth, et ils m’ont accueillie en tant que Sieber ».
« Un grand nombre de descendants de nazis n'ont jamais réussi à se libérer de l'image de leurs pères.
Il existe différentes manières de se dissocier de son père. Karl-Otto Saur, le fils du confident homonyme d'Albert Speer au ministère des Armements de la production de guerre du Reich, porta toujours les cheveux mi-longs - en souvenir de la nuque impeccablement rasée du père.
Monika Göth étudia l'hébreu ancien.
Bettina Göring vit aujourd'hui au Nouveau-Mexique. Elle ne s'exprime plus qu'en anglais et porte le nom de son ex-mari.
Je comprends qu'elle ne veuille plus s'appeler "Göring" mais sa décision de se faire stériliser s'appuie sur un postulat erroné. Il n'y a pas de gène nazi ».
« Je l'ai vu en Israël, chez des victimes de l'Holocauste : ils s'étaient enterrés vivants dans leur douleur et transmettaient leurs peurs à la génération d'après.
Le traumatisme que l'enfant d'une victime de l'Holocauste subit est tout autre que celui que vit un enfant de criminel, mais la transmission fonctionne de manière similaire ».