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21 février 2015 6 21 /02 /février /2015 14:10

http://e-leclerc.scene7.com/is/image/gtinternet/Electre_978-2-259-22344-7_9782259223447?wid=210&hei=230&align=0,-1%0A

 

« Je survole le sous-titre : « La vie de Monika Göth, la fille du commandant de camp de concentration du film La Liste de Schindler ». Monika Göth ! Je connais ce nom. C’est celui de ma mère. Cette mère qui m’a confiée à un foyer, il y a si longtemps, et que je n’ai pas revue depuis de nombreuses années ».

 

 

Quand j’ai entendu parler de cette histoire, VRAIE, j’ai été sidérée…. Imaginez. Une jeune femme, allemande, métisse (son père est nigérian), abandonnée par sa mère et adoptée par une famille allemande classique, découvre PAR HASARD, à la bibliothèque un livre qui raconte la vie de sa mère biologique…. fille d’un commandant nazi, cruel et sadique, d’un camp d’extermination en Pologne. Amon Göth, celui-là même dont l’histoire est racontée dans le film mondialement connu, La liste de Schindler.

Et le titre de son livre récit résume bien toute l’horreur de sa réalité. En tant que métisse, son grand-père biologique l’aurait tuée sans l’ombre d’une hésitation.

Cette jeune femme, mariée, maman de deux enfants, ayant vécu de nombreuses années en Israël, car elle aime ce pays, elle y a deux de ses meilleures amies…. découvre qu’on lui a toujours menti sur ses origines, cherche à comprendre, à connaître la vérité, et se pose l’affreuse question : le « nazisme » est-il inscrit dans ses gènes, et l’a-t-elle transmis sans le savoir à ses propres enfants ?

Ce livre est le récit de sa quête, de ses souvenirs, de ses questionnements, de son cheminement… Ce livre interroge sur l’identité… Car non seulement elle découvre à la trentaine ses origines biologiques avec ce criminel nazi, mais ayant été abandonnée vers ses 3-4 ans, c’est aussi tout un questionnement sur l’abandon, l’adoption etc.

Sa nationalité allemande aussi n’est pas anodine. Ce livre est traversé par le travail de mémoire de la nation allemande après la seconde guerre mondiale, et surtout l’holocauste. Qui savait ? Pourquoi si peu de réactions ? Et surtout la chape de silence sur toute cette histoire après la guerre, pendant de si longues années.

Le travail de mémoire est aussi abordé du côté juif, israélien, car Jennifer se sent tellement coupable (alors qu’elle n’est en rien responsable des actes de son grand-père) qu’elle n’ose avouer à ses amies israéliennes, sa vraie identité…. elle finira par réussir à le faire et à retourner la tête haute en Israël et faire tout un travail sur elle-même.

La mère de Jennifer avait 10 mois quand son père, Amon Göth, a été pendu pour crime de guerre. Elle a eu une très brève liaison avec le père de Jennifer, un Nigérian. Jennifer ne fera sa connaissance que ces dernières années.

La mère de Jennifer n’était pas une femme aimante. Jennifer a peu de souvenirs d’elle quand elle était petite, et surtout pas des moments de tendresse. Par contre sa grand-mère, la femme de cet Amon Göth, aimait beaucoup la petite fille et lui témoignait de la tendresse et de l’amour. Les seuls souvenirs chaleureux de sa petite enfance viennent de sa grand-mère. La découverte a été d’autant plus terrible pour Jennifer. Surtout que sa grand-mère n’a jamais renié son amour pour Amon Göth et ce qu’il a fait. Dualité terrible pour Jennifer, sa douce grand-mère aimée et la compagne d’un criminel nazi.

Bon je vais m’arrêter… mais vous l’aurez compris, ce livre est prenant, intéressant et pose tellement de questions. Je vous le conseille vivement.

 

 

« Tout le monde ne parlait que de ce film sur l’Holocauste réalisé par Steven Spielberg. Je ne l’ai visionné que plus tard, à la télévision israélienne, seule dans ma chambre, dans l’appartement en colocation où je vivais, rue Engel, à Tel-Aviv. Je me rappelle parfaitement ne l’avoir pas trouvé très bon. Vers la fin, il devient kitsch, trop hollywoodien.

La Liste de Schindler n’était pour moi qu’un film, qui n’avait rien à voir avec mon histoire.

Pourquoi personne ne m’a dit la vérité ? Est-ce qu’on m’a donc menti pendant toutes ces années ? »

 

 

Résumé éditeur :

Abandonnée par sa mère à tout juste un mois, ce n'est qu'à 38 ans, et par le plus grand des hasards, que Jennifer Teege découvre le secret de sa famille : elle est la petite-fille du commandant de camp de concentration Amon Göth, bien connu grâce au film de Steven Spielberg La liste de Schindler. Cette brute est le rival du héros sauveur des Juifs, Oskar Schindler. Responsable de la mort de milliers de personnes, Amon Göth a été pendu en 1946. Sa compagne, Ruth Irene, la grand-mère chérie de Jennifer, s'est suicidée en 1983. Jennifer Teege est la fille d'une Allemande - la fille d'Amon Göth - et d'un Nigérien. Élevée dans une famille adoptive, elle a fait ses études en Israël. Avec cette découverte, elle est soudain confrontée à un secret qui ne la quitte pas un instant : comment vivre avec cet héritage familial ? Que dire à ses amis juifs ? À ses propres enfants ? Elle entame alors un profond travail de mémoire et reprend contact avec sa mère. Secondée par la journaliste Nikola Sellmair, elle part à la recherche de son histoire, se rend en Pologne, en Israël. Pas à pas, le choc que lui a causé la découverte des tréfonds du passé familial se transforme en une libération. Le récit de cet incroyable secret de famille décrit brillamment les conséquences dévastatrices des actes des nazis sur leurs enfants et leurs petits-enfants. Un témoignage bouleversant et une réflexion indispensable sur la mémoire.

 

 

« Près d’un an s’est écoulé depuis la découverte du livre sur ma mère, à la bibliothèque. Depuis, j’ai lu tout ce que j’ai pu trouver sur mon grand-père et sur la période nazie. Son souvenir me poursuit, je pense à lui sans interruption. Est-ce que je le vois comme un grand-père ou comme une figure historique ? Pour moi, il est deux : le commandant de Płaszów Amon Göth et mon grand-père ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

http://www.babelio.com/livres/Teege-Amon-Mon-grand-pere-maurait-tuee/650892

 

 

« Amon Göth fut extradé vers la Pologne en même temps que Rudolf Höss, l’ancien commandant du camp de concentration d’Auschwitz. Ils arrivèrent tous deux à la gare centrale de Cracovie le 30 juillet 1946. Une foule en colère les y attendait. Mais ce n’est pas sur Rudolf Höss, l’homme qui fit gazer des centaines de milliers de Juifs, que la foule en rage se précipita. C’est Amon Göth qu’elle voulait lyncher, « le boucher de Płaszów » ».

 

 

« Lorsque Jennifer Teege parle de sa grand-mère, sa voix faiblit, ses yeux brillent. Entre rejet et affection, entre accusation et défense, elle semble hésiter. Ce sujet la travaille.

« Je ne savais rien de tout cela. » Cette phrase, Ruth Irene Kalder l’a répétée souvent, après la guerre. Cette phrase a scandé la jeunesse d’un nombre incalculable d’Allemands. Leurs parents, leurs grands-parents prétendaient n’avoir jamais rien su du massacre d’innombrables vies humaines – quant aux enfants et petits-enfants, ils ne savaient pas s’ils pouvaient, s’ils devaient les croire ».

 

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« J'ai essayé de donner à mes fils tout ce dont j'avais été privée pendant tant d'années: de la chaleur, de la sécurité. Une certaine normalité.

Ce que je veux leur donner de plus important, aujourd'hui, c'est une solide confiance en eux. Je ne veux pas qu'ils soient contraints de se construire au fil d'interminables heures de thérapie, comme je l'ai fait moi ».

 

 

« Sur le papier, j’étais désormais une Sieber. Sur mes cahiers d’école de CM1, j’inscrivais un autre nom qu’en CP. Ma mère, pourtant, continuait d’être ma mère.

Mes parents adoptifs se disaient qu’il valait mieux me traiter comme si j’étais réellement leur fille. Faire comme si j’avais toujours été là.

Mais notre histoire commune avait commencé quand j’avais trois ans. Je suis arrivée chez eux en tant que Göth, et ils m’ont accueillie en tant que Sieber ».

 

 

« Un grand nombre de descendants de nazis n'ont jamais réussi à se libérer de l'image de leurs pères.

Il existe différentes manières de se dissocier de son père. Karl-Otto Saur, le fils du confident homonyme d'Albert Speer au ministère des Armements de la production de guerre du Reich, porta toujours les cheveux mi-longs - en souvenir de la nuque impeccablement rasée du père.

Monika Göth étudia l'hébreu ancien.

Bettina Göring vit aujourd'hui au Nouveau-Mexique. Elle ne s'exprime plus qu'en anglais et porte le nom de son ex-mari.

Je comprends qu'elle ne veuille plus s'appeler "Göring" mais sa décision de se faire stériliser s'appuie sur un postulat erroné. Il n'y a pas de gène nazi ».

 

 

« Je l'ai vu en Israël, chez des victimes de l'Holocauste : ils s'étaient enterrés vivants dans leur douleur et transmettaient leurs peurs à la génération d'après.

Le traumatisme que l'enfant d'une victime de l'Holocauste subit est tout autre que celui que vit un enfant de criminel, mais la transmission fonctionne de manière similaire ».

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8 février 2015 7 08 /02 /février /2015 11:16

http://www.babelio.com/couv/14208_aj_m_2437.pjpeg

 

 

« Il avait vidé le dortoir des quatre couchettes superposées qui le meublaient, les avait démontées et rangées dans la remise. Il avait ensuite bouché la fenêtre à l’aide de planches de contreplaqué. Sur le mur du fond, il avait fixé des chaînes munies de bracelets métalliques et vérifié la solidité de l’ensemble : personne ne pourrait s’échapper d’un tel piège. Il avait enfin installé le système de projection.

Dans la pièce principale, les deux congélateurs ronronnaient. Chacun d’eux pourrait contenir un corps.

La chasse s’annonçait bonne.

Le 23 mars, il était de retour à Québec et anxieux de passer à l’action ».

 

 

Martin Michaud, auteur de polars québécois, découvert par hasard en surfant sur Facebook, comme quoi tout n’est pas mauvais sur ce réseau… Québécois, polar… tout pour m’attirer et me donner envie de découvrir. J’ai essayé de démarrer avec son premier roman, première enquête de son inspecteur Victor Lessard. J’ai été un peu troublée car je cherchais "Il ne faut pas parler dans l'ascenseur", et je tombais sur "Les âmes traquées". En fait, c’est le même ouvrage, simplement il a changé de nom quand il a traversé l’Atlantique… je préfère le titre québécois "Il ne faut pas parler dans l'ascenseur"…

Policier qui a pour moi l’intérêt tout d’abord de se dérouler essentiellement à Montréal, ville que j’aime beaucoup… souvenirs, souvenirs. Mais pas seulement. C’est une très bonne intrigue qui nous tient en haleine jusqu’au bout, qui se teinte par moment de « fantastique », ou disons de paranormal…. juste un peu, rien d’effrayant, juste un peu d’étrange… j’ai beaucoup aimé aussi cet aspect là de l’histoire. On suit principalement 3 personnages… Le tueur, dont on ne sait absolument rien pendant pratiquement tout le livre, juste ses pensées et ses actes, le fameux inspecteur Victor Lessard, en rupture de vie qui essaie tant bien que mal de mener son travail à bien, tout en essayant de rester sobre, et Isabelle Fortin, l’une des victimes du tueur (sera-t-elle tuée ou non ?). C’est à elle qu’il arrive des évènements assez étranges et perturbants. Du coup, elle mène l’enquête, elle aussi… Je ne peux vous en dire plus, ce serait dévoiler l’un des aspects très important du livre. Et ce serait dommage.

Un suspens que j’ai aimé suivre, il est donc évident que je vais lire les autres livres de Martin Michaud. Une belle découverte que je vous souhaite. Et vive le Québec !

 

 

« Pourquoi ne s’était-il pas contrôlé ?

Il revit la scène.

Le sourire de la jeune femme alors qu’elle traversait la rue avait tout déclenché.

Ce sourire intolérable.

Il s’efforça de prendre de grandes inspirations pour retrouver son calme et arrêter le tremblement de ses mains. Son cerveau fonctionnait à plein régime. Il devait s’adapter, échafauder un plan de rechange. Mais, avant tout, il devait agir vite.

Le temps est toujours le facteur primordial. Il le savait.

On ne peut se battre contre le temps et espérer gagner.

Il devait retourner sur les lieux et se mêler aux curieux.

Pourvu qu’elle soit vivante !

Il frappa encore le volant de fureur.

Mais qu’avait-il donc pensé ? »

 

 

Résumé éditeur :

Une jeune femme lancée dans une course folle pour retrouver un homme qui, selon toute vraisemblance, n’existe pas...

Un enquêteur de la police de Montréal qui tente d’élucider les meurtres crapuleux de deux hommes tués de la même manière à une journée d’intervalle...

Un chasseur impitoyable qui pense que chacun doit payer pour ses fautes...

Imaginez encore...

Un chassé-croisé haletant qui révèle fil à fil l’effroyable lien entre ces trois destins.

 

Attention, à savoir que : "Il ne faut pas parler dans l'ascenseur", Éditions Goélette, 2010 (Québec) - réédition en France sous le titre "Les Âmes traquées", Éditions First, 2011.

Donc "Les âmes traquées" et "Il ne faut pas parler dans l’ascenseur", sont le même livre.

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51wSsdu4oDL._SL160_.jpg

 

 

Les âmes traquées !

Quand elle se réveille sur un lit d'hôpital, Isabelle Fortin apprend qu'elle a été victime d'un chauffard et sort tout juste du coma. Et pourtant, elle est persuadée d'avoir passé les 24 dernières heures avec un inconnu, Miles. Incapable d'accepter que cette rencontre n'était que le fruit de son imagination, elle va tout faire pour le retrouver... Et s'il ne s'agissait pas que d'un accident ? Et si le chauffeur de la voiture lui voulait du mal ? Y aurait-il un lien entre cette affaire et les meurtres des deux hommes tués exactement de la même manière à une journée d'intervalle ? C'est ce que tente d'élucider le commissaire Victor Lessard, pour faire oublier sa dernière bavure mais aussi pour ne pas penser à l'échec de sa vie familiale. Jusqu'à ce que son propre fils soit mêlé à ses recherches... Une jeune femme lancée à la poursuite d'un homme qui pourrait ne pas exister. Un enquêteur de la police de Montréal sur deux affaires inquiétantes. Un chasseur impitoyable qui pense que chacun doit payer pour ses fautes. Trois destins qui vont se croiser inéluctablement, pour le meilleur et pour le pire...

 

 

« — Tu as pris la bonne décision. Sans ton intervention, les probabilités que je m’en tire n’étaient pas très élevées.

Il m’a gratifié d’un rictus goguenard.

— La ligne est parfois mince entre une bonne et une mauvaise décision. J’ai eu de la chance ».

 

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

http://www.babelio.com/livres/Michaud-Il-ne-faut-pas-parler-dans-lascenseur/201843

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

http://www.babelio.com/livres/Michaud-Les-ames-traquees/261370

 

 

« Certaines personnes peuvent partager votre quotidien pendant quinze ans sans vous marquer, alors que d’autres traversent votre vie comme un météore et transfigurent à jamais votre univers ».

 

 

« — Je comprends, ai-je repris. Tu as d’autres projets.

Il est demeuré coi.

— Je suis trop rapide ? C’est ça ? ai-je insisté.

— Non, Isabelle. Tu dois… partir.

J’ai levé les mains. Il y avait malentendu…

— Non ! Ne t’en fais pas. Je vais téléphoner au bureau pour prendre congé et je…

Mais, au moment où je prononçais ces paroles, une douleur insupportable a irradié ma nuque. Je suis retombée sur le divan sans finir ma phrase, les yeux révulsés. Avant de perdre connaissance de nouveau, j’ai senti une douleur sourde à la cheville droite, des mains me saisissant les bras et des doigts fouillant ma gorge.

J’ai sombré, sombré, sombr… »

 

 

« Un cimetière est comme une immense bibliothèque. Chaque tombe abrite l’histoire unique d’une personne ».

 

 

« Le policier passa près de lui sans le remarquer.

Le tueur éprouva un sentiment étrange.

Sans même s’en douter, cet homme avait le pouvoir de l’empêcher de réaliser ses desseins meurtriers. Pourtant, il ne ressentait aucune animosité à son endroit.

Comme lui, ce type ne faisait que son devoir.

Qui sait si dans d’autres circonstances ils n’auraient pas pu être amis ?

Il songea qu’il y avait très longtemps qu’il n’avait pas eu d’ami. Bien sûr, il y avait eu les connaissances et les collègues de travail.

Mais un véritable ami ? Quelqu’un à qui se confier ? Non, ça faisait des lustres.

Il essaya de se rappeler avec précision à quel moment il s’était retiré du monde des vivants pour se glisser dans celui des ombres. Il s’extirpa de sa rêverie. Peu importe !

Il regarda Victor Lessard qui se préparait à entrer dans la chambre. Il réussit enfin à déterminer ce qu’il ressentait pour le policier.

Du respect ».

 

 

« On ne reconnaît plus ses erreurs dans notre société. Et surtout, on n’en assume pas les conséquences. C’est la loi du moins pire. On cherche quelqu’un qui a fait pire que soi et on s’y compare pour se disculper ».

 

 

« Dormir d’un long sommeil blanc.

La mort pouvait se révéler libératrice. Lessard avait réfléchi à la question quelques mois auparavant, alors qu’il avait pensé attenter à ses jours.

Son portable sonna. C’était Fernandez.

— La secrétaire se nomme Jeannine Daoust. Elle est aux soins intensifs. Ils t’attendent.

— Et le vigile, il a touché à quelque chose ?

— Non. Il est resté sur le seuil.

— Tu le crois ?

— Oui. Il tremblait comme une feuille.

Lessard frissonna ».

 

 

« Je ne croyais pas aux fantômes, mais j’ai senti la peur s’insinuer en moi.

Comment avais-je pu rencontrer George s’il était mort ?

J’ai mis un moment à chasser l’angoisse qui m’étreignait ».

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7 février 2015 6 07 /02 /février /2015 13:23

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« Une fois dans sa vie, juste une fois, on devrait avoir suffisamment la foi en quelque chose pour tout risquer pour ce quelque chose ».

Une saison blanche et sèche

 

 

Je découvre ce matin, avec énormément de tristesse, la mort d’André Brink à l’âge de 79 ans. Grand écrivain sud-africain qui me suit dans mes lectures et mes engagements depuis de nombreuses années (une trentaine d’années) et surtout homme profondément bien (humain, engagé, simple, intelligent, modeste, brillant, ayant de l’humour…).

Je l’ai découvert et lu quand malheureusement l’apartheid existait encore en Afrique du Sud, et cet Afrikaner écrivait contre cette abomination qu’est l’apartheid, en vivant dans son pays, avec tous les risques que cela comporte. Alors bien sûr, le très connu « Une saison blanche et sèche » (interdit lors de sa parution en Afrique du Sud, Prix Médicis étranger en 1980 et best-seller mondial, adapté aussi au cinéma avec entre autres, Marlon Brando au générique) mais tant d’autres comme « Au plus noir de la nuit », « Un turbulent silence », « Rumeurs de pluie », « Un instant dans le vent »…

Le fait qu’il soit blanc (dans ce pays, ce n’est pas anodin), Afrikaner, de la caste au pouvoir, aisé, installé… et qu’il soit profondément contre ce système injuste, totalitaire, abominable, et qu’il se batte contre, avec courage…. m’a toujours beaucoup impressionné et je l’avoue, j’ai une très grande admiration pour cet homme.

En plus, je l’ai découvert d’un peu plus près, en vrai… car aussi incroyable que cela puisse paraître, ce grand homme, mondialement connu, ami de Nelson Mandela, est venu dans les Ardennes. Ceux qui me connaissent et me suivent depuis un moment, se rappellent peut être le billet que j’avais fait à l’époque… j’étais sous le choc, sous le charme,…. incroyablement heureuse, fière, etconquise, si j’avais besoin de l’être.

 

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Je relis mon billet, et oui c’est vrai, il était encore mieux que je ne le pensais lol

Voilà ce que je disais, entre autres : « C’est un homme simple, malgré l’aura et le succès dont il jouit. Un homme simple, donc, accessible, avec beaucoup d’humour, parlant très bien français, car il aime énormément la France et y passe beaucoup de temps. Un homme aussi très cultivé. Et aussi animé d’une grande force intérieure. Et quoiqu’il en dise d’un grand courage ».

Il était venu à la médiathèque de Charleville dans le cadre du Festival « Ecrivains d’Afrique : escales en Champagne-Ardenne » qui s’était déroulé du 12 au 25 novembre 2009, organisé par Interbibly en partenariat avec divers organismes et bibliothèques… Très belle initiative qui franchement m’a donné une des grandes émotions de lectrice de ma vie (j’étais avec une amie qui ne le connaissait pas vraiment, mais elle a été conquise, elle aussi, n’est-ce pas Claire ?!!).

 

Je vous livre ici une Bio express. Source : "Le Nouvel Observateur" du 19 novembre 2009.

« Né en 1935 en Afrique du Sud, André Brink est l'auteur de nombreux livres dont "Au plus noir de la nuit" (1973), "Une saison blanche et sèche" (prix Médicis 1980) et "l'Amour et l'oubli". Plusieurs d'entre eux furent interdits de publication dans son pays, parce qu'ils épousaient clairement la cause des Noirs. Il a également publié ses Mémoires, chez Actes Sud, en 2010: "Mes bifurcations".

Grande figure de la lutte contre l'apartheid, proche de Nelson Mandela, professeur de littérature à l'université du Cap et lauréat de très nombreux prix, il n'avait pas renoncé à son rôle d'intellectuel engagé : on l'avait notamment entendu, à Brazzaville en 2013, dénoncer violemment "le règne de Jacob Zuma", qu'il considérait comme "une insulte aux aspirations des Noirs et des Blancs d'Afrique du Sud".

Il venait, ce 2 février 2015, de recevoir le titre de docteur honoris causa à l'UCL de Louvain, en Belgique. André Brink avait 79 ans ».

 

A l’occasion de son décès, je redécouvre cet article « Camus le juste, par André Brink » où il raconte ce que son combat contre l’apartheid doit à Camus… il nous en avait parlé également à Charleville.

Je vous mets le lien vers cet article, si cela vous dit.

http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20091120.BIB4456/camus-le-juste-par-andre-brink.html

 

 

http://www.radio-canada.ca/audio-video/lib/img/extraits/hr/2012-11-02_16_09_53_darte_0000_001_01.jpeg

 

J’aurais voulu lire ses mémoires "Mes bifurcations", mais je n’en ai pas encore eu l’occasion.

Le hasard veut que je sois en train de lire son dernier ouvrage « Philida », l’histoire d’une esclave au début du XIXe siècle, mère de quatre enfants, dont le père est le fils de son maître blanc et qui se rebelle lorsqu'elle comprend que celui-ci ne tiendra pas sa promesse de l'affranchir. Ce maître blanc a comme nom « Brink ». D’après les critiques, dans la première partie de ce roman, il y a beaucoup d’éléments de la famille d’André Brink. Je ne manquerai pas de faire un billet sur ce livre quand je l’aurai terminé.

Mais là, l’urgence était de rendre hommage à ce grand homme….

Merci Monsieur Brink, pour tout.

Si vous ne le connaissez pas, je vous invite sincèrement à le lire.

 

 

« Il n’existe que deux espèce de folies contre lesquelles on doit se protéger, Ben. L'une est la croyance selon laquelle nous pouvons tout faire. L'autre est celle selon laquelle nous ne pouvons rien faire ».

Une saison blanche et sèche

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1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 16:21

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« Rien, absolument rien de pesant ni d’austère ne pouvait s’assortir à l’esprit de la librairie Shakespeare and Co, rue de l’Odéon. Les fleurs fraîches, les ouvrages en avalanche sur les tables ou serrés dans les rayons, les photographies d’écrivains accrochées jusqu’au plafond, entouraient le visage souriant de Sylvia Beach, ouverte à tous les dons de la littérature qui ruisselaient autour d’elle. Gracieuse dans ses vestes sombres, ses foulards de soie bouffant autour de son cou mince, elle portait en elle des milliers de chapitres vivants ».

 

 

Pour être très honnête avec vous, si je n’avais pas reçu ce livre grâce à Babélio et son opération masse critique spéciale et la gentillesse des éditions Fayard qui m’ont envoyé « Cristal noir » et que je tiens à remercier très chaleureusement (vous comprendrez pourquoi après), je n’aurais jamais lu ce livre. D’une part, ce n’est pas forcément le genre de littérature que j’affectionne en premier et d’autre part parce que le résumé en 4e de couverture ne lui fait pas honneur…. Ce roman est beaucoup, beaucoup mieux que ce résumé laisse à deviner.

Car oui, j’ai adoré ce livre. Je l’ai lu quasiment d’une traite.

Ce n’est pas un thriller, non… mais il y a tout de même une intrigue, un fil rouge autour de Charles-Henri Chelan, le chef mystérieux du grand restaurant Le Paquebot. Et je me suis laissé prendre par le charme de l’écriture, la délicatesse de l’histoire et l’envie de découvrir la personnalité de ce chef atypique.

Alors oui, un grand merci à Babélio et aux éditions Fayard.

Ce livre est un petit bijou, délicat, tendre, intriguant, construit par petites touches…. Peu à peu se dévoilent les histoires de chacun, et surtout bien sûr de Charles-Henri. Mais aussi de cette jeune américaine, Pearl, venue à Paris pour photographier la gastronomie à la française, qui va peu à peu se découvrir et prendre des décisions importantes pour sa vie. Robert aussi, l’autre chef du restaurant, ami de Charles-Henri, tous deux des rescapés un peu esquintés mais vivants de la Première Guerre mondiale et qui en sont revenus avec ce projet fort et puissant de vie : construire un restaurant où ils pourront créer ensembles… Ce projet, ce rêve est devenu Le Paquebot. Et plein d’autres personnages dits secondaires mais avec des belles âmes qui tissent une ambiance, l’ambiance de Paris des années folles juste avant le grand krach boursier d’octobre 1929… car toute l’histoire du roman se situe les mois précédant cette date clé. Ce roman est traversé par la guerre, Paris, la gastronomie, les arts, le passé qui vous colle à la peau et à l’âme, la musique, l’âme slave, les Etats-Unis aussi, la photographie, les livres, la vie dans un grand restaurant, l’amitié et bien sûr l’amour…. Bref, un très très beau livre que je vous conseille vivement, avec le cœur, de lire.

 

 

« Savez-vous que depuis trois mois je viens chaque jour lire votre carte, monsieur Chelan…. ».

Il s’arrêta, s’approcha, étonné par cette déclaration.

« Eh bien, et alors ? Vous inspire-t-elle ? ».

Elle leva vers lui un visage émouvant, qu’il ne connaissait pas.

« Je remarque qu’elle évolue constamment. Quelquefois peu, mais elle évolue. Vous inventez, vous transformez. Vous êtes un artiste, je pense ».

Il tressaillit au mot, elle ne s’en aperçut pas. Il se pencha vers elle, vers le bras criblé de taches de rousseur, éclatant sous la lumière de la lampe.

« Ecoutez, dit-il, la voix troublée… J’ai été apprenti au Claridge’s de Londres… Le premier jour, j’ai pelé dix kilos de châtaignes boursées. J’ai eu des cloques sur les deux mains. ça marchait pratiquement au coup de fouet. Je suis cuisinier, c’est ma formation, mettez ça et rien d’autre dans votre ouvrage, s’il vous faut des éléments. Quant aux artistes, dans la mesure où ils vous intéressent, regardez la salle. Il y a tout ce qu’il vous faut, vous aurez le choix ».

 

 

Résumé éditeur :

Enivrée par le Paris des années folles, Pearl prépare pour le compte d’un éditeur new-yorkais un ouvrage illustré consacré à la gastronomie française. Des Halles au somptueux cadre Art déco du Paquebot, le restaurant le plus en vue du moment, rien n’échappe à son regard de photographe. Pas même l’invisible mystère qui entoure le chef Charles-Henri Chelan, acclamé par ses clients, vénéré par sa brigade, et cependant insaisissable.

Piano de cuisson, accords, harmonies, tonalités : Charles-Henri cuisine comme on compose. Mais d’où vient cet étrange rapport à la beauté qui le contraint à dépasser ses propres exigences ?

Ensorcelée par cet homme, Pearl ne répond pas aux télégrammes de son père qui la pressent de rentrer aux Etats-Unis. C’est la fin de l’été 1929. Si la ville-lumière n’a jamais mieux porté son nom, l’obscurité n’est pas loin. Mais la passion créatrice, le souffle de Charles-Henri ne sont-ils pas, comme le pressent Pearl, des ferments de résistance face au désastre qui se dessine ?

 

 

« Il s’aperçut sans tarder, le jeune Lazlo, que le temps clos sur lui-même se divisait en deux au Paquebot, ce qui lui mit des structures utiles dans la tête. Temps haché, excitation, fureur, tintement des couteaux, des fouets, des râpes, des moulins, en cuisine. Temps étale, sons amortis, maîtrise des gestes en salle. Au centre la double porte, ligne de démarcation entre deux mondes ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

http://www.babelio.com/livres/Tourneur-Cristal-noir/675969

 

 

« Charles-Henri chercha une cigarette dans sa poche. N’en trouva pas. Les vibrations du piano lui couraient sur la peau, lui remuaient le sang. Ramenaient des accents, une connaissance, des références, des voies refermées depuis longtemps, si longtemps. Il chavirait.

Ce fut alors que, du fond de son passé, la formule en polonais revint et le frappa au cœur.

Muzyka to jest jak mitosc.

La musique, comme l’amour.

Il pensa à Pearl, au regard pénétrant qui le troublait ».

 

 

« C'est peut-être ça l’imprévisible, dit-il, remué. Quand le familier devient étrange... »

 

 

« Nous vivons entre des lisières. Il pensa, ce n'est pas que la vie ne soit pas assez longue, c'est qu'elle n'est pas assez large, c'est ça exactement ».

 

 

« Robert avança jusqu’à Maurice.

« Vous sortez ?

- J’ai à vous parler avant. Je tiens l’équipe, je ne sais pas jusqu’à quand. L’absence du chef jette un sérieux trouble, vous vous en apercevez. En pâtisserie, ce matin, il y a eu un ordre mal passé. Conséquence : fureur, contestation – j’ai cru qu’ils en arrivaient aux mains. Les commis pâtissiers sont venus me trouver. Qu’est-ce que je pouvais leur dire ? Vous m’affirmez qu’il n’est pas malade. Alors que fait-il ? Qu’est-ce qui se passe vraiment ? Ici le fluide circule si la confiance règne. Ce n’est plus le cas. Ils sont mal. Ils se sentent… ».

Maurice cherchait les mots.

« …. abandonnés, orphelins, quelque chose comme ça. Un de ces jours… ». »

 

 

« « Je ne sais plus rien de la musique…. Après vingt ans, la guerre, mon métier… rien, absolument rien.

- Jouez ».

L’ardeur de Rose, la tendresse de Justyna, la sensualité de Zofia. La voix assourdie de Pearl les portait toutes. Il voyait ses mains trembler, et sa présence juvénile était imprégnée de l’air tiède du jardin d’août de la petite maison inconnue où s’étaient exprimées les vérités de sa vie. Un rêve, une déraison. Rien d’autre n’aurait pu lui faire franchir le seuil de la pièce close dans laquelle le Bösendorfer attendait sous la poussière.

Il entra, il la rejoignit ».

 

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1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 12:51

 

« Le souvenir est la mémoire des âmes tendres ».

Robert Sabatier

 

 

« Dans les grandes douleurs, on s'étonne toujours de voir

que le temps et le monde marchent toujours ».

Julie de Lespinasse

 

 

« J’ai toujours ton cœur avec moi

Je le garde dans mon cœur

Sans lui jamais je ne suis

Là où je vais, tu vas… »

E.E. Cummings

 

 

 

Pensée PY sourire pour ne pas trembler

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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 15:02

http://www.lesechos.fr/medias/2014/10/14/1053177_avis-de-tempete-sur-le-meteorologue-web-0203857317151.jpg

 

« Son domaine, c'était les nuages. Les longues plumes de glace des cirrus, les tours bourgeonnantes des cumulonimbus, les nippes déchiquetées des stratus, les stratocumulus qui rident le ciel comme les vaguelettes de la marée le sable des plages, les altostratus qui font des voilettes au soleil, toutes les grandes formes à la dérive ourlée de lumière, les géants cotonneux d'où tombent pluie et neige et foudre ».

 

 

L’envie de lire ce livre au titre si incongru (ça aussi m’a bien plu) m’a pris dès la fin de la lecture  de la critique de ce livre dans le magazine Lire, au moins deux pages si mes souvenirs sont bons. C’était une évidence, il me fallait lire « Le météorologue » d’Olivier Rollin. C’est le premier livre que je lis de cet auteur.

Comment dire ? Par moment, la lecture m’a paru un peu monotone et pas très simple, car le texte faisait référence à des faits ou des lieux que je ne connaissais pas bien ou pas du tout, des noms à consonances « étranges » (bien évidemment russes, donc pas forcément faciles pour nous, pauvres Européens sans trop de culture russe…). Mais par moment, le livre est tellement bien, indispensable, que je ne regrette absolument pas de l’avoir lu.

D’autant que la litanie de noms, pour la plupart inconnus pour moi, des tortionnaires, m’a paru par moment fastidieuse, pour autant la liste des victimes de ces barbaries m’a paru vraiment essentielle, importante, et tellement émouvante… souvent.

Ce récit est le résultat de l’amour de l’auteur, Olivier Rolin, pour ce pays pas forcément « aimable » qu’est la Russie, de sa rencontre avec un lieu puissant et avec les lettres qu’a écrit un père, Alexéï Féodossévitch Vangengheim, à sa petite fille qu’il n’aura pas le bonheur de connaître.

Le récit d’Olivier Rolin n’est pas du tout romancé. Il nous raconte sa découverte d’Alexéï Féodossévitch Vangengheim, son voyage aux Solovki (son lieu de détention, dans un endroit incroyable historiquement, géographiquement – île bloquée par les neiges six mois de l’année). Il nous livre des extraits de ses lettres qui nous permettent de retracer un peu son état d’esprit après son arrestation, lui un bon soviétique qui a œuvré depuis pratiquement toujours (seul bémol qui lui sera d’ailleurs reproché, il est né petit noble… mais choisit-on sa naissance ?) en tant que météorologue à la grande œuvre de la société soviétique, à la grandeur de l’URSS, son incompréhension quant à son arrestation, son innocence, sa conviction qu’un jour la vérité sera rétablie et lui libéré, ses espoirs, sa triste et dure vie de détenu de goulag et son horrible fin.

Olivier Rolin n’essaie pas d’en faire un héro (ce qu’il n’est pas, peu courageux d’ailleurs), il nous le livre tel qu’il a été et il s’y intéresse surtout parce que d’une part il est innocent et injustement condamné et d’autre part parce qu’il a été touché profondément par les lettres qu’il a écrit à sa femme et surtout par les dessins qu’il a fait pour sa petite fille.

Au fil du récit, l’auteur nous donne son point de vue personnel, sur les faits, sur les aspirations que la révolution russe a suscité dans le monde, sans trop parler de la folie meurtrière du système soviétique, en particulier de Staline, de tous ces morts silencieux, oubliés, inconnus….

Par ce livre, il rend justice non seulement à Alexéï Féodossévitch Vangengheim mais aussi à tous ses compagnons de malheur, morts dans une quasi indifférence. Pour cela la lecture de ce livre me parait indispensable.

Et je vous livre un extrait du livre qui me réconforte comme Olivier Rolin, juste un peu…

« La seule, mince, satisfaction que procure l’étude de ces temps sauvages, c’est de constater que presque toujours les fusilleurs finiront fusillés. Pas par une Justice populaire, ou internationale, ou divine, fusillés non par la Justice, mais par la tyrannie qu’ils ont servie jusqu’à l’abjection. Mais fusillés quand même, et ça fait du bien de l’apprendre ».

 

 

« Sa dernière heure de gloire, il l’a connue avec le vol du stratostat URSS-1. La conquête de l’espace voit déjà une compétition entre l’Union soviétique et les États-Unis, mais pour l’instant on ne grimpe pas plus haut que la stratosphère, et c’est en ballon qu’on monte au ciel, suspendu à un grand sac de vingt-cinq mille mètres cubes d’hydrogène (strictement interdit de fumer !) ».

 

 

Résumé éditeur :

Son domaine c’était les nuages. Sur toute l’étendue immense de l’URSS, les avions avaient besoin de ses prévisions pour atterrir, les navires pour se frayer un chemin à travers les glaces, les tracteurs pour labourer les terres noires. Dans la conquête de l’espace commençante, ses instruments sondaient la stratosphère, il rêvait de domestiquer l’énergie des vents et du soleil, il croyait "construire le socialisme, jusqu’au jour de 1934 où il fut arrêté comme "saboteur". À partir de cette date, sa vie, celle d’une victime parmi des millions d’autres de la terreur stalinienne, fut une descente aux enfers.

Pendant ses années de camp, et jusqu’à la veille de sa mort atroce, il envoyait à sa toute jeune fille, Éléonora, des dessins, des herbiers, des devinettes. C’est la découverte de cette correspondance adressée à une enfant qu’il ne reverrait pas qui m’a décidé à enquêter sur le destin d’Alexéï Féodossévitch Vangengheim, le météorologue. Mais aussi la conviction que ces histoires d’un autre temps, d’un autre pays, ne sont pas lointaines comme on pourrait le penser : le triomphe mondial du capitalisme ne s’expliquerait pas sans la fin terrible de l’espérance révolutionnaire.

 

 

« Le seul des arrêtés à n’avoir dénoncé personne, rejetant toutes les accusations, est un certain Gavril Nazarov, sans parti, d’origine paysanne. Bien que cardiaque et fragile nerveusement, il tient tête aux hommes de la Guépéou. Je ne mentionne pas ce fait pour établir la supériorité de l’origine paysanne sur l’origine noble, mais pour rendre un hommage tardif à son courage solitaire, d’abord, et ensuite pour évoquer la question sempiternelle s’agissant des procès staliniens : pourquoi les accusés, grands dignitaires ou petits fonctionnaires, maréchaux, compagnons de Lénine, fondateurs du parti bolchévik, ou simples météorologues, finissent-ils par avouer tous les crimes imaginaires dont les charge la police politique ? »

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

http://www.babelio.com/livres/Rolin-Le-meteorologue/639283

 

 

« Le huit mai 1934, quatre mois exactement après son arrestation, le détenu Alexeï Féodossiévitch Vangengheim est incorporé à un convoi à destination du SLON, "camp à destination spéciale des îles Solovki" ».

 

 

J’ai découvert en cherchant un peu sur internet, cette petite vidéo qui donne une idée de ce qu’étaient les Solovki, ce goulag où fut détenu le météorologue, et tant d’autres… glaçant !

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=PW6kM4bg_Gc

 

 

 

 

 

« Il écrit d’une petite écriture serrée, difficile à lire, sur des pages de cahiers d’écolier que lui envoie Varvara, sa femme. Le bas des pages trois et quatre est réservé aux dessins ou aux herbiers pour sa fille, de façon que Varvara puisse le plier et le couper pour le donner à Éléonora. Elle lui fait croire que son père est parti pour un long voyage d’exploration dans le Grand Nord ».

 

 

« Hier j’ai vu une très belle aurore boréale verte. Les jours se succèdent de façon monotone, chacun est désespérément perdu, rapprochant de la fin de la vie, dit-il. Ma requête a été classée sous le numéro 1726… Je continue doucement mes études arctiques. Quand je m’immerge dans le travail de recherche, j’oublie un peu. Jamais de ma vie je n’ai consacré autant de temps à de petites choses domestiques, ce doit être ça la « rééducation par le travail »… Il est évident que des bêtises de ménage, de nettoyage de chiottes, etc., sont plus utiles à la Grande Construction que la résolution d’importantes questions scientifiques… D’ailleurs, écrit-il, il ne faut pas essayer d’analyser ce qui est au-delà de notre entendement ».

 

http://www.pravoslavie.ru/sas/image/100445/44579.b.jpg

 

 

« En parlant de solitude, j'ai oublié d'évoquer une créature : mon petit chat. Nous nous sommes beaucoup attachés l'un à l'autre. Il vient de sauter de mon épaule où il avait dormi tranquillement. Il est discipliné, tendre, espiègle, il sait quand je m'apprête à manger, il s'approche et commence à griffer mes bandes molletières. Une fois il est sorti par la porte ouverte, je l'ai longtemps cherché mais il est revenu de lui-même. Cela peut paraître étrange, mais ce petit être gris apaise ma tristesse même si, en jouant, il mélange mes papiers ou salit ma table avec ses pattes sales ».

 

http://w3.osaarchivum.org/gulag/pic/solovetskislans4O.jpg

 

 

« Dans une semaine, écrit-il le premier janvier 1937, cela fera trois ans… La première année a été celle de la certitude que la vérité éclaterait et que cesserait le cauchemar sans but et sans raison. La deuxième année, la certitude a cédé la place à l’espoir. Et voici que la troisième année est passée, où il n’y a plus ni certitude ni espoir, bien que je n’aie pas renié mes convictions, que je pense toujours que les dirigeants ne sont pas au courant. Tout au long de ces trois ans, au fond de moi, j’ai lutté pour ne pas me laisser aller à penser du mal du pouvoir soviétique et des dirigeants, pour ne pas les rendre responsables de ce qui se passe. Qu’amènera la quatrième année ? Pour nous personnellement, sans doute pas beaucoup de joie. Avant que cette quatrième année se termine, le malheureux sera mort, assassiné avec un millier d’autres au fond d’une forêt, la nuit ».

 

 

 

 

« Dans la forêt, un grand feu brûle, autour duquel les hommes du NKVD se réchauffent, fument, boivent de la vodka, plaisantent. Ils ne sont pas impressionnés, ils ont l'habitude, ils travaillent pour les camps du canal, et le canal est un grand mangeur d'hommes. Ils ont creusé plusieurs fosses, pas très grandes, trois ou quatre mètres sur deux. Ils ont une vingtaine, il y a d'autres camarades un plus loin. Certains sont ivres. Il y a d'autres fosses un peu plus loin, fraîchement refermées, la terre retournée fume encore dans l'air froide. Le feu fait danser de grandes ombres sous les arbres, des tourbillons d'étincelle montent entre les troncs. Les gardes descendent des camions, demandent du monde pour décharger. Il faut se dépêcher, on n'a pas de temps à perdre, les camions doivent retourner à Medvejégorsk pour une autre fournée, ils ne seront pas de retour avant deux heures. on tire les suppliciés, on les fait tomber des bennes, comme des rondins, on les traîne par terre, ils sont nus ou en linge de corps, les bourreaux ont des vestes ouatinées et des chapkas, ils se moquent d'eux comme des hommes bien vêtus peuvent se moquer de ceux qui vont mourir, comme les centurions romains se moquaient du Christ . Les chiens aboient, excités. Le capitaine Matveïev finit sa cigarette, jette le mégot dans le feu, boit un coup de vodka, s'essuie la bouche, saute fans la fosse, arme son Nagant ».

 

http://www.galeriesusannealbrecht.de/tl_files/bilder/sammallahti/Solovki,%20White%20Sea,%20Russia%205%201992%20Kopie.jpg

 

 

« Les fleurs artificielles jettent de vives taches de couleur parmi tous ces morts. Rumeur du vent dans les hautes cimes des pins, chants d'oiseaux, aucun autre bruit. Dans ce lieu si paisible aujourd'hui se sont déroulées des scènes infernales ».

 

 

« Certains de ces morts, comme le météorologue, on sait à présent, des dizaines d'années après qu'ils ont été assassinés, dans quelle fosse ils reposent, on peut aller poser une photo d'eux avec des fleurs artificielles sur l'emplacement de leur supplice, mais l'immense terre russe, zemlia, enferme encore des centaines de milliers de cadavres en des lieux qu'on ne connaître peut-être jamais. L'espace russe, c'est aussi cela, en fin de compte : l'espace de ces morts innombrables ».

 

http://www.ecoledeslettres.fr/blog/wp-content/uploads/2014/09/detenus-solovki.jpg

 

 

« Sur un rocher, à l'entrée du site, aujourd'hui, cette seule inscription : Lioudi, nié oubivaïtié droug drouga, "Hommes, ne vous tuez pas les uns les autres". Je ne connais pas d'inscription plus juste que celle-là, si rigoureusement simple, sans aucune mention politique, religieuse, historique, sans invitation à la vengeance ni même à la Justice, en appelant seulement à la Loi morale. Il y a plus de trois cent soixante fosses dans la forêt, de tailles variables. Plus de sept mille personnes ont été exécutées ici entre 1934 et 1941, dont les onze cent onze du convoi des Solovki, en cinq jours, les vingt-sept octobre, premier, deux, trois et quatre novembre 1937 ».

 

 

« La seule, mince, satisfaction que procure l’étude de ces temps sauvages, c’est de constater que presque toujours les fusilleurs finiront fusillés. Pas par une Justice populaire, ou internationale, ou divine, fusillés non par la Justice, mais par la tyrannie qu’ils ont servie jusqu’à l’abjection. Mais fusillés quand même, et ça fait du bien de l’apprendre ».

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25 janvier 2015 7 25 /01 /janvier /2015 21:27

http://www.babelio.com/couv/CVT_Celui-Qui-Ne-Meurt-Jamais-Prix-des-Lecteurs-Prix_1555.jpeg

 

« Une lame pour trancher. Un poignard pour découper. Un pic pour achever ».

 

 

Je ne connaissais pas du tout ce livre, bien qu’il ait reçu le Prix des lecteurs Prix VSD du Polar 2014. Je l’ai repéré en fait, lors de l’opération réalisée par François Busnel et la Grande Librairie sur France 5 qui questionnaient les lecteurs concernant le livre qui avait changé leur vie. J’y ai participé et régulièrement je regardais bien sûr le choix des autres lecteurs… et « Celui qui ne meurt jamais » revenait assez souvent dans les votes. J’ai donc eu la curiosité de le lire, d’autant que j’aime les polars.

Le début n’est pas très clair… 2 histoires, voire 3 alternent, l’une qui se déroule au départ en Egypte en 600 av. J.C. (pays et période que j’aime) et l’autre vers Bordeaux dans les années 1970 avec le passé familiale de certains protagonistes qui se déroulent en Afrique à l’époque coloniale. Si bien qu’au départ, cela faisait un peu fouillis. Puis petit à petit, on connait de mieux en mieux les personnages, on s’y attache et on prend plaisir à suivre chacun avec leur histoire. En toile de fond, il y un mystérieux masque africain qui a l’air d’avoir des pouvoirs puissants et surnaturels et un tueur en série qui sévit dans la région de Bordeaux avec une très grande cruauté.

Tous les personnages se trouvent très intimement mêlés aux évènements…. le puzzle petit à petit se reconstitue… et….

Non je ne peux vous dévoiler la suite, car c’est un thriller, et donc le suspens, l’intrigue est primordiale. Mais cette histoire permet de voyager dans le temps, les civilisations… un peu d’étrange, du suspens, des histoires d’amour… la sauce prend bien, c’est agréable à lire et on attend la fin avec impatience… pour une fois, j’avais trouvé le coupable, mais de nombreuses fois, je me suis dit que je me trompais… mais non !

Très bonne lecture que je vous recommande.

 

 

« Bohoussou repensait que la veille encore, il n’avait fait qu’un avec l’esprit de l’objet quand ce dernier l’avait habité pour une ultime transe, alors qu’il avait dansé devant les étrangers. À ce moment-là, ce n’était plus Bohoussou qui s’agitait mais l’autre qui avait pris possession de son corps et qui avait intégré son âme. L’homme avait prêté son enveloppe charnelle à celui qu’il avait rencontré vingt ans plus tôt lorsqu’il travaillait sur la voie des chemins de fer.

Le génie du Masque, cet ancêtre qui habitait ce corps de bois, lui avait tout appris. C’est avec lui qu’il avait fait son initiation dans les forêts sacrées lors des cérémonies du Poro. C’est lui qui l’avait guidé dans ses choix de vie. Et quand il prenait possession de lui, Bohoussou entrait en transe. Son corps ne lui appartenait plus. Ce n’était pas ses jambes qui bougeaient mais celles de l’autre. Il ne ressentait plus ni la fatigue, ni la peur, ni la haine, ni la félicité. Il n’existait plus ».

 

 

Résumé éditeur :

En Afrique, à la mort d'un homme, le sculpteur du village s'imprègne de l'aura du défunt et façonne secrètement un Masque à son effigie. L'âme du disparu y sera enfermée pour l'éternité. Automne 1975, à Bordeaux, des femmes sont retrouvées atrocement mutilées... Un reporter se retrouve en proie à des cauchemars et à des visions d'horreur... Une jeune inspectrice métisse enquête. Ses investigations la mèneront au cœur de l'Afrique et de ses mystères.

Prix des lecteurs Prix VSD du Polar 2014

 

 

« La sensation bizarre qui avait envahi Alain continuait à grandir. Son frère parlait, parlait et au fur et à mesure une rage extrême le submergeait. Cela faisait à peine trois minutes que Patrick était là et Alain ne le supportait déjà plus. L’air suffisant et le rictus de contentement qui lui soulevait les lèvres l’agaçaient au plus haut point.

Alain perçut une crispation au creux de son estomac. Ce n’était pas seulement la faim qui le tenaillait mais une espèce de haut-le-cœur que lui produisait maintenant la présence de son frère. Il se rendit compte que c’était toujours la même chose avec son cadet : l’étalage de sa réussite, les aspects matériels de sa vie. C’était comme lorsqu’ils étaient enfants. Tout ce qu’exécutait son cadet était mieux que ce que faisaient les autres. Sa mère le lui avait, tant de fois, répété ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

http://www.babelio.com/livres/Faget-Celui-qui-ne-meurt-jamais/669404

 

 

« Elle se sentait maintenant prisonnière de son corps comme si ce dernier s’était statufié. Elle commençait même à manquer d’air…

Elle devinait juste qu’elle était allongée, immobile et groggy, sur le carrelage glacial. Ses yeux ne pouvaient se mouvoir mais elle aperçut une vague silhouette plonger la main dans un sac pour en retirer un instrument brillant. Elle resta pétrifiée en regardant l’appareillage horrible. Dans ses tempes, des coups sourds battaient à un rythme infernal. Elle tenta désespérément de se mouvoir par un effort colossal mais elle n’arrivait à rien. Aucun cri même ne pouvait sortir de sa gorge…

Ce qui augmenta sa panique, ce fut quand elle ressentit une fulgurante douleur et comprit qu’un liquide chaud jaillissait et coulait sur son corps. Seuls ses yeux exorbités reflétaient l’horreur qu’elle était en train de vivre… »

 

 

« De ton corps il ne restera plus rien. Tu m'as dérobé mon bien le plus précieux. Je te volerai ton éternité. Tu n'accèderas jamais à l'immortalité.

Tu entends, tu ne seras jamais un bienheureux Osiris ».

 

 

« Ubakwanda observait, avec circonspection, l’hominien blanc accroupi qui enfournait maintenant la nourriture, goulûment, dans sa bouche. Il se demanda alors s’il avait eu vraiment raison d’en demander la possession au conseil des sages. De toute façon, s’il avait eu tort, il serait toujours à même de le tuer et le dépecer pour en faire plusieurs repas.

— Ubakwanda, fit le jeune Noir en se frappant la poitrine. Il tapa à plusieurs reprises le thorax de l’Égyptien en hochant tête vers lui. Ce dernier lui répondit :

— Enmouteff ».

 

 

« — Là, c’est Ubakwanda, tu dis ?

— Exact, je relate mon histoire depuis mon départ d’Égypte. Je la grave dans la pierre pour qu’elle soit éternelle. La parole s’envole, l’écrit reste. Je parle donc aussi de toi quand tu m’as sauvé la vie.

Ubakwanda essayait d’appréhender ce qui lui paraissait incompréhensible. Il resta un long moment à scruter ces centaines de symboles qui tapissaient la roche tandis qu’Enmouteff orientait la torche vers la muraille pour qu’il puisse mieux les observer ».

 

 

« — Ah, Alain, laisse-moi te présenter Kassoum, mon grand copain de classe, celui qui me défendait contre les grands qui venaient me tirer les cheveux, s’écria Awa en sautant de son tabouret.

En face des yeux étonnants du Français, Kassoum eut un moment de saisissement. Devant le sourire engageant et la poignée de main franche que le Blanc lui tendit, l’Africain parut s’amadouer.

— Je te remercie de bien vouloir nous servir de guide, Kassoum. As-tu vu ces clichés ? Étonnants, non ? »

 

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21 janvier 2015 3 21 /01 /janvier /2015 22:26

http://extranet.editis.com/it-yonixweb/IMAGES/ESL/P3/9782365690058.JPG

 

« Sophia s'était toujours montrée très secrète sur son passé, et au fil des ans sa discrétion s'était dressée comme une barrière entre elle et sa fille. Alexis voyait une forme d'ironie à ce que l'étude du passé fût à ce point encouragée dans sa famille et qu'on l'empêche d'examiner sa propre histoire à la loupe ; cette impression que Sophia dissimulait quelque chose à ses enfants teintait leurs relations de défiance. Sophia Fielding avait non seulement enterré ses racines mais aussi piétiné la terre qui les recouvrait ».

 

 

J’ai beaucoup aimé ce livre… L’histoire se déroule pour l’essentiel en Crète, dans un petit village de pêcheurs, Plaka et sur l’île de Spinalonga, qui se trouve à quelques kilomètres au large de Plaka et qui abrite une colonie de lépreux et cela a été le cas jusqu’en 1957. Tous les lépreux de Crète, jusqu’à cette date, ont obligation de s’y rendre dès que la maladie est diagnostiquée. C’est vraiment la double peine pour ces personnes… non seulement ils se découvrent malades, une maladie qui ne se guérit pas encore, donc la souffrance et la mort en ligne de mire, mais en plus, ils doivent quitter leur vie, leurs proches et s’exiler sur cette petite île jusqu’à la mort.

Les lieux, les faits concernant la léproserie sont véridiques.

A l’occasion de vacances en Crète, Alexis, jeune femme née en Angleterre dont la maman, Sophia, Crétoise, a toujours refusé de parler de sa famille et de ses origines, part sur les traces de ses aïeuls et tenter de découvrir une partie de son histoire familiale. C’est Fotini, la meilleure de Maria, la grande tante d’Alexis, qui lui raconte l’histoire incroyable de sa famille avec l’accord de Sophia.

Tout d’abord, ses arrières grands-parents, le pêcheur Giorgis et l’institutrice Eleni. La belle et courageuse Eleni qui se découvrira lépreuse et devra quitter son mari, ses 2 filles Anna (la grand-mère d’Alexis) et Maria, son village et son métier qu’elle adore pour s’exiler sur Spinalonga… avec elle, on découvre la vie sur cette île où la survie est difficile mais où peu à peu les choses s’améliorent…

On suivra également ses 2 filles et son mari restés sans elle… le devenir de chacun… surtout celui de Maria, qui par une fatalité incroyable découvrira à quelques jours de son mariage qu’elle aussi, comme sa mère, est lépreuse et devra aussi partir pour Spinalonga…

Je ne vous dévoile pas le reste… à vous de le découvrir. Mais c’est vraiment passionnant et touchant de suivre tous ces destins… on s’attache fortement à certains personnages, en particulier Maria et sa meilleure amie Fotini, Giorgis… En plus le décor est assez idyllique, la Crète, et on partage la vie parfois rude de ces Crétois… Vraiment, délicieux à lire.

 

 

« Un vent automnal s'engouffrait dans les rues étroites de Plaka, et des bourrasques glacées enveloppaient la femme, engourdissant son corps et son esprit sans réussir à apaiser son chagrin. Comme elle peinait à parcourir les derniers mètres qui la séparaient de l'appontement, elle s'appuya de tout son poids sur son père. Sa démarche évoquait celle d'une petite vieille transpercée par la douleur à chaque pas. Une douleur qui n'était pas physique, cependant. Son corps était aussi robuste que celui de n'importe quelle jeune femme ayant respiré toute sa vie le pur air crétois, sa peau aussi lisse et ses yeux d'un marron aussi profond que toutes les habitantes de l'île ».

 

 

Résumé éditeur :

Saga familiale bouleversante et vibrant plaidoyer contre l'exclusion, ce roman d'évasion plein d'émotion et de suspense nous emporte sur une île au large de la Crète, Spinalonga, l'île des lépreux.

Alexis, une jeune Anglaise, ignore tout de l'histoire de sa famille. Pour en savoir plus, elle part visiter le village natal de sa mère en Crète. Elle y fait une terrible découverte : juste en face du village se dresse Spinalonga, la colonie ou l'on envoyait les lépreux... et ou son arrière-grand-mère aurait péri.

Quels mystères effrayants recèle cette île des oubliés ? Pourquoi la mère d'Alexis a-t-elle si violemment rompu avec son passé ? La jeune femme est bien décidée à lever le voile sur la bouleversante destinée de ses aïeules et sur leurs sombres secrets...

 

 

« Eleni aurait pu prédire en tous points le comportement de ses filles. Anna, l’aînée, lunatique depuis toujours, ne dissimulait jamais ses sentiments. Maria, quant à elle, plus calme et patiente, perdait ses moyens avec moins de facilité. Fidèle, chacune, à son caractère, Anna avait davantage laissé paraître sa peine que Maria au cours des jours précédents, et elle n’avait jamais autant démontré son incapacité à contrôler ses émotions que ce matin-là. Elle avait supplié sa mère de ne pas partir, l’avait conjurée de rester, à grand renfort de cris courroucés et de cheveux arrachés. Maria, en revanche, avait pleuré en silence d’abord, puis à gros sanglots déchirants que l’on entendait de la rue. Elles en arrivèrent finalement toutes deux au même point, rendues muettes par l’épuisement.

Eleni avait résolu de contenir l’éruption de chagrin qui menaçait de la submerger : elle pourrait s’y livrer tout son soûl une fois qu’elle serait loin de Plaka. En attendant, elle devait conserver son sang-froid, pour elles trois. Si elle cédait, elles seraient toutes perdues ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

http://www.babelio.com/livres/Hislop-Lile-des-oublies/314070

 

 

« Que pourraient-ils bien se dire ? Comment se conduire ? Ils ne se touchèrent pas alors qu'ils en brûlaient d'envie. Ils se contentèrent de prononcer leur prénom, comme ils l'avaient fait des millions de fois auparavant. Mais les syllabes leur semblaient soudain comme des sons dépourvus de signification. Giorgis regretta alors d'être venu. Pendant une semaine, il avait fait le deuil de sa femme, et voilà qu'elle se tenait devant lui, aussi vivante et ravissante que jamais, accroissant encore la douleur insupportable de leur séparation imminente. Bientôt il lui faudrait retourner à Plaka. Chacune de ses visites se terminerait par un adieu déchirant. L'espace d'un instant, il se prit à souhaiter leur mort à tous deux ».

 

 

« A son arrivée sur l'îlot, le Dr Lapakis avait été choqué par les conditions de vie de nombre de lépreux. Il était essentiel qu'ils nettoient leurs plaies. Pourtant, lors de sa première visite, il les avait découverts dans un état proche de l'apathie. Ils se sentaient oubliés, et les dommages psychologiques causés par leur isolement étaient souvent pires que les séquelles physiques de la maladie.

Beaucoup ne tenaient plus à la vie.

Et pourquoi en aurait-il été autrement?

La vie ne tenait plus à eux ».

 

 

« Pour l'essentiel du conseil, en revanche, l'évidence sautait aux yeux : le zèle et l'implication d'Eleni donnaient de meilleurs résultats. Elle était convaincue que l'éducation ne servait pas seulement à obtenir un savoir nébuleux mais possédait une valeur intrinsèque : elle permettait aux enfants de s'améliorer. Que beaucoup eussent de fortes chances de ne pas voir leur vingt et unième anniversaire n'avait aucune importance à ses yeux ».

 

 

« Au mépris du froid mordant de décembre, des températures polaires de janvier et de février ainsi que des bourrasques de mars, Nikolaos Kyritsis se rendit à Spinalonga tous les mercredis. Ni Giorgis ni lui n’étaient hommes à parler pour ne rien dire, néanmoins, ils engageaient toujours la conversation durant la traversée.

— Kyrie Petrakis, comment allez-vous aujourd’hui ? demandait systématiquement Kyritsis.

— Bien, plût à Dieu, répondait Giorgis avec prudence.

— Et votre femme ? ajoutait le médecin.

Cette question donnait au pêcheur le sentiment de mener une vie ordinaire d’homme marié ; et aucun d’eux ne s’attardait sur l’ironie de la situation, puisque celui qui interrogeait connaissait la réponse mieux que l’autre ».

 

 

« Anna, Maria et Fotini s’étaient retrouvées chez les Angelopoulos sous le prétexte d’apprendre à manier l’aiguille. En réalité, leur réunion avait un seul objet : réfléchir à ce qu’elles appelaient désormais « l’affaire Vandoulakis ». Anna se sentait comme une bête sur un marché, évaluée par des acheteurs potentiels. Elle était pourtant décidée à ne pas laisser son enthousiasme s’émousser. Elle venait de fêter ses dix-huit ans et, ayant quitté l’école depuis longtemps, n’avait plus qu’une ambition : faire un beau mariage ».

 

 

« En la touchant, il lui rendait la vie, et elle faillit être submergée par l'émotion.

Elle avait conscience que leurs échanges, jusque dans leurs silences, la comblaient. Elle redécouvrait la satisfaction qu'on éprouve en retrouvant une clé égarée: la sensation de paix et de plénitude après la recherche paniquée et la découverte ».

 

 

« - Mais que dirait-on, à Plaka, si on apprenait que je m'aventure dans la colonie au lieu de me contenter de déposer les paquets au pied de la muraille?

- Si j'étais vous, je n'en parlerais à personne. Vous savez aussi bien que moi l'opinion que les gens se font de la vie là-bas.

Ils sont persuadés que la lèpre s'attrape à la moindre poignée de main, sinon en se trouvant dans la même pièce qu'un malade.

Alors s'ils découvraient que vous avez pris un café avec eux, je vous laisse imaginer les conséquences... »

 

 

« Te porter malchance ? Je crois que tu as épuisé toutes tes réserves dans ce domaine, Maria. Pour tout te dire, j'ai l'impression que le destin en avait après toi, mis là je suis sûre qu'il est à court de munitions ».

 

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19 janvier 2015 1 19 /01 /janvier /2015 22:50

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« L’ex-inspecteur-chef avait pris une retraite anticipée malgré les supplications de ses supérieurs qui le considéraient comme un limier exceptionnel et sans doute un futur grand patron du Yard. Higgins était demeuré sourd aux sirènes lui offrant la plus brillante des promotions. Fatigué par les turpitudes humaines, il avait jugé essentiel de consacrer le reste de son existence à des occupations majeures, telles que le soin des rosiers, l’entretien de sa pelouse, les longues promenades dans la campagne ou la lecture des bons auteurs ».

 

 

J’étais très impatiente de lire ce tome des enquêtes de l’inspecteur Higgins car cela se passe à la Tour de Londres que j’ai juste vue de l’extérieur, mais elle m’a déjà bien impressionnée. Il faut avouer qu’elle est mystérieuse et attirante avec toute son histoire assez sanglante, ses corbeaux bien noirs qui tournent dans le ciel, ses gardes etc.

Mais j’ai été un peu déçue au départ de ma lecture et j’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire, trouvant Higgins très « coincé » et lent dans son début d’enquête. De plus, l’ambiance est assez noire, comme celle de la Tour de Londres, et dans ce récit toujours baignée, imprégnée du « smog » anglais, humide et froid. Toute l’enquête se déroule dans ce vase clos avec des personnages très ambigus et atypiques. Ceci dit, je vous rassure… assez vite, j’ai été prise par l’intrigue et hop j’ai suivi Higgins dans ses déambulations nocturnes et nébuleuses…

Le premier meurtre est particulièrement atroce et horrible visuellement… mais bien dans l’esprit et l’atmosphère de la Tour de Londres. Une belle décapitation à la hache !

Tous les suspects sont là, mais il est très difficile de deviner le final qui est assez étrange, il faut bien le dire mais cependant dans l’esprit des lieux et de l’intrigue… je ne vous en dirai pas plus, à vous de le découvrir.

 

 

« Soudain, un cri d'effroi jaillit de la poitrine de Miss Brazennose. Incapable de prononcer un mot, elle pointa l'index de la main gauche vers le sommet de la Tour sanglante et s'évanouit.

Tous les regards convergèrent dans cette direction.

Scott Marlow se demanda s'il n'était pas victime d'une hallucination.

Debout sur l'un des créneaux du chemin de ronde, le gardien des corbeaux tenait par les cheveux la tête proprement tranchée de Lady Ann Fallowfield, épouse du nouveau gouverneur de la Tour de Londres ».

 

 

Résumé éditeur :

Malgré un temps exécrable, une belle cérémonie pour l'investiture du nouveau gouverneur de la Tour de Londres. Poste envié, en dépit du caractère sinistre de cette ancienne prison où furent suppliciés tant d'hommes et de femmes. Une belle cérémonie gâchée par un spectre qui brandit une tête tranchée.

Dans un labyrinthe de mensonges, comment identifier l'assassin ? Et les corbeaux de la Tour de Londres ne sont-ils pas les seuls à connaître la vérité ?

Mondialement connu pour ses romans sur l'Egypte ancienne, Christian Jacq nous invite à découvrir les passionnantes investigations d'un inspecteur de Scotland Yard hors du commun.

 

 

« Patrick Holborne toussota.

– Sur le principe, je suis d’accord avec vous, expliqua-t-il, ennuyé. Dans la pratique, je crains que nous ne soyons obligés d’adopter la solution préconisée par votre collègue.

Scott Marlow n’en crut pas ses oreilles.

– Il y a les corbeaux, poursuivit Patrick Holborne, de plus en plus mal à l’aise. Ils n’acceptent de nourriture que de leur gardien et leur gardien, c’est… c’est ce vieux Yeoman que nous appelons « le spectre ». Il faut le laisser errer dans la Tour pour qu’il puisse s’en occuper.

– Quelle importance, ces corbeaux ? s’étonna le superintendant.

– S’ils venaient à mourir tous ensemble, indiqua Higgins, cela signifierait la destruction du Royaume.

– Ce n’est qu’une légende, voyons !

– Rien de plus essentiel que les légendes, assena Higgins avec gravité. Tenons-nous-en aux faits, mon cher Marlow. Le vieux Yeoman a vu l’assassin et l’assassin, c’est le Spectre. Recherchons donc ce dernier ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

http://www.babelio.com/livres/Jacq-Les-enquetes-de-linspecteur-Higgins-tome-2--Las/319499

 

 

« Higgins ne connaissait rien de plus vain que les condoléances. Les mots n'avaient aucun pouvoir sur les déchirures du cœur ».

 

 

« C’est en se dirigeant vers le maître-autel, devant lequel avait été dressé le catafalque de Lady Ann, que Higgins comprit la raison de son trouble. La chapelle de Saint-Pierre ad vincula était un cimetière de suppliciés. Là avaient été enterrés les cadavres décapités des reines Anne et Catherine, des ducs de Somerset et de Northumberland, de Lady Jeanne Grey, de Lord Guildford Dudley, du duc de Monmouth, des Lords écossais Kilmarnock, Balmerino et Lovat. Peut-être leurs âmes errantes, protestant contre d’injustes condamnations, continuaient-elles à hanter les lieux ».

 

 

« Higgins sentit qu’il n’avancerait pas davantage en cette soirée glaciale. Remontant le col de son Tielocken, il se dirigea vers sa chambre afin d’y goûter la plus délectable des gourmandises : le sommeil.

Les murs de la « chambre du condamné » étaient couverts de sang. La pièce avait pris l’allure d’une salle de torture que venaient juste de quitter les bourreaux après en avoir débarrassé les corps suppliciés. Seul le lit avait été épargné par cette débauche d’horreur.

Higgins, bien qu’il ne fût pas particulièrement impressionnable et qu’il se fût rarement évanoui à la vue d’une goutte de sang perlant à une coupure, hésita à explorer cet antre souillé et hostile. Il voulut néanmoins apprécier l’ampleur du massacre qui avait été commis là, redoutant de découvrir un ou plusieurs cadavres ».

 

 

« L’ex-inspecteur-chef avait décidé de visiter l’ensemble des bâtiments formant la Tour de Londres. Il effectuait un circuit complet, passant devant chaque Tour, parcourant chaque ruelle, examinant chaque édifice. Un vent glacial s’ajoutant à la pluie, Scott Marlow éprouvait les plus grandes difficultés à maintenir son parapluie dans un axe satisfaisant et se faisait mouiller d’abondance tandis que son collègue était à peu près épargné. Le superintendant acceptait son supplice avec résignation. Il fallait surtout éviter que Higgins s’enrhumât, de peur qu’il ne regagne son domaine, abandonnant au superintendant la responsabilité de l’enquête ».

 

 

« À huit heures cinq, le superintendant commença à s’inquiéter. Quelles que fussent les circonstances, Higgins était la ponctualité incarnée. Scott Marlow attendit jusqu’à huit heures quinze puis, anxieux, se rendit jusqu’à la « chambre du condamné ».

Elle était vide. Paniqué, le superintendant courut prévenir le lieutenant Holborne qui mit aussitôt ses Yeomen sur le pied de guerre. Les gardes de l’entrée principale n’avaient pas vu sortir l’ex-inspecteur-chef. Des recherches systématiques furent aussitôt entreprises. Elles n’aboutirent pas.

Décomposé, Scott Marlow dut se rendre à l’évidence : Higgins avait disparu.

Était-il la troisième victime de la Tour de Londres ? »

 

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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 07:16

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« En voyage, je garde toujours deux choses sur moi : mon passeport (dans une pochette accrochée à mon cou) et un calepin noir où je note tout ce qui traverse mon champ de vision ou qui me passe par l'esprit. Alors que j'étais par terre, je pensais aux films catastrophe, me demandant si la terre allait s'ouvrir et nous engloutir tous. C'était la terreur de mon enfance ».

 

 

Dire que ce livre m’a touché est un euphémisme !

Cela fait 5 ans qu’un séisme de grande ampleur a touché Haïti. Commençant à découvrir avec bonheur Dany Laferrière, je me suis dit que c’était le bon moment de lire cet ouvrage qu’il a écrit un an après ce fameux 12 janvier 2010. Il était en Haïti ce jour-là à l’occasion d’un festival littéraire, « Les Etonnants Voyageurs ». Il a survécu à ce tremblement de terre, sa maman, sa sœur, son neveu, son beau-frère et sa tante Renée aussi.

D’une manière un peu personnelle, le hasard a voulu que je me rende en République Dominicaine, l’autre pays qui se partage cette île dans les Caraïbes, peu de temps après. C’était assez étrange comme sensation, et perturbant j’avoue.

J’aime décidément énormément l’écriture de Dany Laferrière. Simple, et je ne dis pas simpliste, mais directe, authentique, qui touche au cœur tout autant qu’à la raison. Très bien écrit, sensible, instructif (on découvre beaucoup sur Haïti, ses habitants, son histoire, sa vie quotidienne, ses artistes, ses religions…), on entre dans une sorte d’intimité avec Dany Laferrière qui nous prend par la main et nous parle sans jamais nous ennuyer, et nous livre des instants de vérité et d’humanité qui m’ont personnellement énormément touchés.

Vraiment, il s’adresse tout autant à notre intelligence qu’à notre cœur et c’est ce mélange que j’aime tout particulièrement chez lui. Il raconte en toute humilité et sincérité les évènements, ce qu’il observe, ressent.

Par ses écrits, il nous invite à changer notre regard sur ce pays et ses habitants, à ne pas se focaliser seulement sur sa pauvreté endémique, sur les catastrophes naturelles régulières, sur les dictatures qui se sont succédées…. mais reconnaître un peuple fort, fier, courageux, attachant qui au-delà de survivre, désire continuer à écrire son histoire, son avenir avec dignité, force et bonne humeur.

Merci Monsieur Dany Laferrière pour ce livre émouvant que je vous conseille vivement de lire.

 

 

« Je m'attendais à entendre des cris, des hurlements. Rien. On dit en Haïti que tant qu'on n'a pas hurlé, il n'y a pas de mort. Quelqu'un a crié que ce n'était pas prudent de rester sous les arbres. En fait, c'était faux, car pas une branche, pas une fleur n'a bougé malgré les quarante-trois secousses sismiques de cette première nuit. J'entends encore ce silence ».

 

 

 

Résumé éditeur :

Le 12 janvier 2010, Dany Laferrière se trouvait à Port-au-Prince. Un an après, il témoigne de ce qu'il a vu. Sans pathos, sans lyrisme. Des "choses vues" qui disent l'horreur, mais aussi le sang-froid des Haïtiens. Que reste-t-il quand tout tombe ? La culture. Et l'énergie d'une forêt de gens remarquables.

 

 

« Deux groupes de gens se sont toujours côtoyés dans cette ville : ceux qui vont à pied et ceux qui possèdent une voiture. Deux mondes parallèles qui ne se croisent que lors d'un accident. C'est impossible de connaître son voisin quand on ne traverse le quartier qu'en voiture, se lamente une mère qui vient de perdre son fils. Elle ajoute que ce sont les pauvres du voisinage (elle traversait le quartier deux fois par jour sans jamais les voir) qui ont été les premiers à l'entourer quand elle a su que son fils était sous les décombres de sa maison. Pour une fois, dans cette ville hérissée de barrières sociales, on circule tous à la même vitesse ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

http://www.babelio.com/livres/Laferriere-Tout-bouge-autour-de-moi/190887

 

 

« On s'étonne que ces gens puissent rester si longtemps sous les décombres, sans boire ni manger. C'est qu'ils ont l'habitude de manger peu. Comment peut-on prendre la route en laissant tout derrière soi ? C'est qu'ils possèdent si peu de choses. Moins on possède d'objets, plus on est libre, et je ne fais pas là l'éloge de la pauvreté. Ce n'est pas le malheur d'Haïti qui a ému le monde à ce point, c'est plutôt la façon dont ce peuple a fait face à son malheur. Ce désastre aura fait apparaître, sous nos yeux éblouis, un peuple que des institutions gangrenées empêchent de s'épanouir. Il aura fallu que ces institutions disparaissent du paysage pour qu'on voie surgir, sous une pluie de poussières, un peuple à la fois fier et discret ».

 

 

« J’apprendrai plus tard qu’il y a tant de morts que ce sera impossible de les enterrer individuellement. Le chiffre va augmenter à chaque heure jusqu’à qu’à prendre toute la place. Au point où on ne parle plus des morts mais du nombre de morts ».

 

 

« Il n’y avait aucun moyen de savoir où la mort nous attendait. Certains ont tout fait pour être au rendez-vous fixé. D’autres ont quitté le lieu fatal quelques secondes avant. Dire qu’on n’a pas su qu’on jouait à ce moment-là notre vie à pile ou face ».

 

 

« Si je repasse si souvent dans ma tête ces minutes qui précèdent l’explosion c’est parce qu’il est impossible de revivre l’événement lui-même. Il nous habite trop intimement. Aucune distance n’est possible avec une pareille émotion. C’est un moment éternellement présent. On se rappelle l’instant d’avant dans les moindres détails ».

 

 

« Puis, la nuit est venue. Pas le sommeil. Le téléphone, à côté, qui ne sonne pas. Elle ne parvient pas à se concentrer sur ses mots croisés. Déjà, elle doit trouver que je parle trop d’elle, et pas assez de ceux qui ont des morts. Mais en fait je ne parle que de l’angoisse qui se glisse dans les veines de tous ceux qui attendent un coup de téléphone. Je me rappelle les derniers vers du poème (« Nuit d’hôpital ») de Roussan Camille alors qu’il espérait l’aube sur un lit d’hôpital, à Port- au-Prince : « Notre-Dame des fièvres, grande dame des angoisses, ayez pitié des pensées qui s’affolent dans la nuit ». »

 

 

« Plus l’endroit où je suis paraît solide, moins je me sens en confiance. Là, en ce moment même, tandis que j’écris ces lignes, la chaise vient de bouger. Et ma raison s’est enfuie de mon corps me laissant seul avec cette panique. Que dire alors de ceux pour qui le cauchemar continue toujours. Je parle de tous ceux qui n’ont pas les moyens pour quitter l’île. Je n’ose même pas penser à ce qu’on ressent quand on doit continuer à fouler un sol qui s’est déjà dérobé sous vos pas ».

 

 

« Tante Renée m’a fait comprendre qu’on avait tous une vie intérieure. Elle faisait de ces plongées inquiétantes dans l’univers de Zweig d’où elle ne remontait que pour respirer. Parfois elle fermait les yeux et restait ainsi un long moment. Comment peut-on garder intacte une pareille intensité quand on n’arrête pas de bavarder autour de vous ? Une fois, une seule fois, comme je lui demandais à quoi elle pensait, elle m’a longuement regardé avant de murmurer qu’elle ne pouvait me le dire. Est-ce un secret ? Non, fait-elle, c’est intime ».

 

 

« Le peu de choses qu’on avait se trouve sous les décombres. La ville est sur les genoux. L’aide n’arrive pas à toucher certaines couches de la population. Pour ces gens, ce qui se dit à la radio, c’est-à-dire la politique, ne les concerne pas. Ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Et Dieu. Dieu c’est pour se convaincre qu’ils ne sont pas seuls sur cette terre, et que leur vie n’est pas uniquement ce chapelet de misères et de douleurs. Le plus important c’est qu’ils ont accès en tout temps à Dieu. Ils ont compris qu’il ne faut pas trop lui demander. Si ses moyens spirituels sont infinis, ses moyens matériels sont limités. S’ils ont perdu leur maison, ils lui rendent grâces d’avoir épargné leur vie ».

 

 

« On commence à regretter la vie d’avant. La vie d’avant le 12 janvier 2010, je veux dire. Pour être précis j’ajouterai qu’on a quand même eu les deux tiers de la journée du 12 janvier puisque le séisme est arrivé à 16 h 53. Jusqu’à 16 h 52, on vivait dans l’insouciance. Il nous restait une minute. Que vaut une minute ? Beaucoup puisque le tremblement de terre n’a pas duré une minute ».

 

 

« Quand les gens me parlent, je vois dans leurs yeux qu’ils s’adressent aux morts, alors que je m’accroche à la moindre mouche vivante. Mais ce qui me touche vraiment, c’est qu’ils semblent émus par leur propre émotion, et qu’ils espèrent la garder le plus longtemps en eux. On dit qu’un malheur chasse l’autre. Et les journalistes ont beau se précipiter ailleurs, Haïti continuera d’occuper longtemps encore le cœur du monde ».

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L'Histoire de France : des origines à 1789 pour les nuls

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