Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 mai 2014 4 01 /05 /mai /2014 15:19

CentAnsDeSolitude

 

« Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire connaissance avec la glace. Macondo était alors un village d'une vingtaine de maisons en glaise et en roseaux, construites au bord d'une rivière dont les eaux diaphanes roulaient sur un lit de pierres polies, blanches, énormes comme des oeufs préhistoriques. Le monde était si récent que beaucoup de choses n'avaient pas encore de nom et pour les mentionner, il fallait les montrer du doigt. Tous les ans, au mois de mars, une famille de gitans déguenillés plantait sa tente près du village et, dans un grand tintamarre de fifres et de tambourins, faisait part des nouvelles inventions ».

 

 

Cela faisait bien longtemps que j’avais l’intention de lire Gabriel Garcia Marquez et en particulier Cent ans de solitude… mais vous savez ce que c’est… des envies de lecture, on en a plein, plein… et on ne peut pas tout lire d’un coup… et puis voilà que cet immense écrivain meurt… et là je me dis, c’est « l’occasion », il te faut le lire… et dès le lendemain de son décès, une amie me prête Cent ans de solitude… les dés en étaient jetés, j’étais partie dans la belle aventure de la découverte et de la lecture plaisir de ce très beau roman qui nous raconte la destinée incroyable de la famille Buendia et de la fondation et du déclin du village de Macondo. Dès les premiers mots, j’ai ressenti la même sensation que j’avais eu en lisant, il y a déjà bien longtemps, pour la première fois Isabel Allende et sa maison aux esprits… une belle claque ! Une claque positive…. une entrée dans une écriture différente, une mentalité, une façon de voir la vie, différentes…. là le merveilleux ou plutôt l’imaginaire côtoie la réalité, sans aucune frontière, pareil pour les morts et les vivants…. les morts reviennent discuter tout naturellement avec les vivants… les personnages de cette famille sont très particuliers, vivent très longtemps, surtout pour certains, certaines comme l’un des piliers de cette famille et de ce roman, Ursula, la mère, grand-mère, arrière grand-mère etc. Tous les personnages se mêlent et s’entremêlent… beaucoup se « mariant » en famille, avec une tante, une demi-sœur, une cousine… sans savoir toujours qui est qui…. les prénoms également se mélangent et changent peu…. on mixe allégrement, Aureliano, José Arcadio, Amarantha, Ursula, etc.

Ce roman « raconte » aussi au travers la famille Buendia l’Histoire et les légendes de ce pays… bien sûr pas chronologiquement, pas de manière purement historique, mais en « décalé », imagé… perso je ne connais pas assez, pour avoir tout reconnu, mais je sais, pour l’avoir lu qu’un très bel épisode dramatique du livre qui relate le massacre de plus de 3.000 personnes, des travailleurs en grève de l’industrie bananière et de leurs familles, et surtout aussi le silence et le déni de la version officielle, fait allusion à un épisode réel…. Je me permets de mettre ici un extrait de l’article « DÉCÈS DE GARCÍA MÁRQUEZ Relire "Cent ans de solitude" » écrit par l'écrivain colombien Juan Gabriel Vásquez paru dans le journal Le courrier international. http://www.courrierinternational.com/article/2014/04/18/relire-cent-ans-de-solitude?page=all

« L’un de ces romans est bien entendu Cent Ans de solitude. Et pour illustrer, ne serait-ce que sommairement, la belle insolence avec laquelle ce type de roman affronte le monstre de l’Histoire, il n’y a pas de meilleur épisode de l’histoire colombienne que le massacre des plantations bananières, survenu le 6 décembre 1928. Peut-être connaissez-vous dans les grandes lignes ce qui s’est passé ce jour-là : la United Fruit Company, entreprise américaine qui exploitait depuis le début du XXe siècle les plantations de bananes de la côte Caraïbe, le faisait dans un mépris total du droit du travail colombien, et à maintes reprises ses milliers de salariés avaient menacé de faire grève. Le 5 décembre, la rumeur court parmi les travailleurs que le gouverneur du département du Magdalena se rendra au village le lendemain pour entendre leurs doléances.

Une foule anxieuse se rassemble à la gare et refuse de se disperser malgré la décision du chef militaire de la province, le général Cortés Vargas, qui a interdit tout rassemblement de plus de trois personnes, annonçant qu’il n’hésiterait pas à faire tirer sur la foule si nécessaire. Les militaires donnent aux ouvriers cinq minutes pour se disperser, après quoi ils se mettent à tirer au hasard. Le général Cortés Vargas reconnaîtra les faits, les justifiera au nom du maintien de l’ordre public et déplorera la mort de neuf manifestants. Peu après, l’ambassadeur des Etats-Unis parlera de cent morts, puis de cinq cents ou six cents, et, dans un rapport remis au département d’Etat, il finit par parler de plus de mille. On n’a jamais su le chiffre exact, mais les faits de cette journée, et surtout l’impossibilité de confirmer la vérité historique, sont restés gravés dans la mémoire culturelle colombienne. Le caricaturiste Ricardo Rendón les a immortalisés dans la presse nationale, un grand romancier, Alvaro Cepeda Samudio, leur a consacré un roman entier, La Casa grande, puis García Márquez les a explorés dans l’un des meilleurs chapitres de Cent Ans de solitude ».

Voilà… je trouve qu’il était important de souligner, que ce roman va bien au-delà du « simple » merveilleux…

Bref, ce gros livre m’a paru encore trop rapide tellement j’ai pris plaisir à le lire, …. Alors si vous ne l’avez pas encore lu, n’attendez plus !

 

 

« On n'est de nulle part tant qu'on n'a pas un mort dessous la terre ».

 

 

Résumé éditeur :

Cent Ans de solitude. Epopée de la fondation, de la grandeur et de la décadence du village de Macondo, et de sa plus illustre famille de pionniers, aux prises avec l'histoire cruelle et dérisoire d'une de ces républiques latino-américaines tellement invraisemblables qu'elles nous paraissent encore en marge de l'Histoire. Cent Ans de solitude est ce théâtre géant où les mythes engendrent les hommes qui à leur tour engendrent les mythes, comme chez Homère, Cervantes ou Rabelais. Chronique universelle d'un microcosme isolé du reste du monde -avec sa fabuleuse genèse, l'histoire de sa dynastie, ses fléaux et ses guerres, ses constructions et ses destructions, son apocalypse- "boucle de temps" refermée dans un livre où l'auteur et le dernier de sa lignée de personnages apparaissent indissolublement complices, à cause de "faits réels auxquels personne ne croit plus mais qui avaient si bien affecté leur vie qu'ils se trouvaient tous deux, à la dérive, sur le ressac d'un monde révolu dont ne subsistait que la nostalgie".

 

 

« On ne meurt pas quand on veut, mais seulement quand on peut ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio :

http://www.babelio.com/livres/Garcia-Marquez-Cent-ans-de-Solitude/3779

 

 

« Le colonel Aureliano Buendia fut à l'origine de trente-deux soulèvements armés et autant de fois vaincu. De dix-sept femmes différentes, il eut dix-sept enfants mâles qui furent exterminés l'un après l'autre dans la même nuit, alors que l'aîné n'avait pas trente-cinq ans. Il échappa à soixante-trois embuscades et à un peloton d'exécution. Il survécut à une dose massive de strychnine versée dans son café. Il fut promu au commandement des forces révolutionnaires, son autorité s'étendant sur tout le pays.

Bien qu'il se battît toujours à la tête de ses troupes, la seule blessure qu'il reçu, ce fut lui qui se la fit. Il se lâcha un coup de pistolet en pleine poitrine et le projectile lui ressortit par l'épaule sans avoir atteint aucun centre vital.

Tout ce qui demeura de cette succession d'événements fut une rue à son nom à Macondo ».

 

 

« Taciturne, silencieux, insensible au nouveau souffle de vie qui faisait trembler la maison, c'est à peine si le colonel Aureliano Buendia comprit que le secret d'un bonne vieillesse n'était rien d'autre que la conclusion d'un pacte honorable avec la solitude ».

 

 

« Dans la longue histoire de la famille, la répétition persistante des prénoms lui avait permis de tirer des conclusions qui lui paraissaient décisives. Alors que les Aureliano étaient renfermés, mais perspicaces, les José Arcadio étaient impulsifs et entreprenants, mais marqués d'un signe tragique ».

 

 

« « Ils sont tous comme ça, dit-elle sans paraître surprise. Tous sont fous de naissance ». Le temps finit par tout emmêler. Celui qui, après leur imbroglio, était resté avec le prénom d’Aureliano le Second devint aussi colossal que son grand-père et celui auquel finit par échoir  le prénom de José Arcadio le Second, aussi maigre et osseux que le colonel, et le seul trait commun qu’ils conservèrent fut cet air de solitude qu’ils tenaient de famille. Ce fut sans doute cette interversion des noms, des caractères et des constitutions physiques qui amena Ursula à suspecter que l’erreur qui avait brouillé les cartes remontait à leur enfance ».

 

AVT_Gabriel-Garcia-Marquez_704.jpeg

 

Gabriel Garcia Marquez

 

« Dès que José Arcadio eut refermé la porte de la chambre à coucher, un coup de pistolet retentit entre les murs de la maison. Un filet de sang passa sous la porte, traversa la salle commune, sortit dans la rue, prit le plus court chemin parmi les différents trottoirs, descendit des escaliers et remonta des parapets, longea la rue aux Turcs, prit un tournant à droite, puis un autre à gauche, tourna à angle droit devant la maison des Buendia, passa sous la porte close, traversa le salon en rasant les murs pour ne pas tacher les tapis, poursuivit sa route par l’autre salle, décrivit une large courbe pour éviter la table de la salle à manger, entra sous la véranda aux bégonias et passa sans être vu sous la chaise d’Amaranta qui donnait une leçon d’arithmétique à Aureliano José, s’introduisit dans la réserve à grains et déboucha dans la cuisine où Ursula s’apprêtait à casser trois douzaines d’œufs pour le pain ».

 

 

« Il plut pendant quatre ans onze mois et deux jours. Il y eut des époques où il ne fit que pleuvoter et tout le monde se mît sur son trente et un, se composa une mine de convalescent pour célébrer l'éclaircie, mais bientôt l'habitude fut prise de ne voir dans ces pauses que les signes d'une recrudescence ».

 

 

« L'atmosphère était si humide que les poissons auraient pu entrer par les portes et sortir par les fenêtres, naviguant dans les airs d'une pièce à l'autre ».

 

 

« Ils sont tous les mêmes, se lamentait Ursula. Au début, on n'a aucun mal à les élever, ils sont obéissants et sérieux, paraissent incapables de tuer une mouche, et à peine la barbe leur pousse-t-elle qu'ils se jettent dans la perdition ».

 

 

« - « Plaquez-vous au sol ! Plaquez-vous au sol ! »

Déjà les premières lignes l’avaient fait, balayées par les rafales de mitraille. Les survivants, au lieu de se plaquer au sol, voulurent revenir sur la petite place et c’est alors que la panique, comme un coup de queue de dragon, les envoya rouler en grosses vagues serrées contre la houle compacte qui venait en sens inverse, refoulée par un coup de queue de dragon de la rue opposée où d’autres mitrailleuses tiraient également sans relâche. Ils étaient coincés dans cet enclos, pris dans un tourbillon gigantesque qui fut peu à peu réduit à son épicentre dans la mesure où la frange circulaire se trouvait systématiquement découpée, comme on pèle un oignon, par les cisailles insatiables et bien réglées de la mitraille ».

 

 

« Il n'y avait, dans le cœur d'un Buendia, nul mystère qu'elle ne pût pénétrer, dans la mesure où un siècle de cartes et d'expérience lui avait appris que l'histoire de la famille n'était qu'un engrenage d'inévitables répétitions, une roue tournante qui aurait continué à faire des tours jusqu'à l'éternité, n'eût été l'usure progressive et irrémédiable de son axe ».

Partager cet article
Repost0
23 avril 2014 3 23 /04 /avril /2014 21:26

91564344_o.jpg

 

« Ces fleurs blanches qui s’épanouissaient tôt le matin,

comme pour la remercier

de toutes ses attentions, devinrent très vite

l’objet constant de ses pensées ».

 

 

J’ai reçu ce très bel album grâce à l’opération Masse critique de Babélio que je tiens à remercier ainsi que les éditions PassePartout.

Il est vrai que j’achète peu voire jamais d’album mais quand j’ai parcouru la liste des ouvrages disponibles pour cette opération, je suis tombée sous le charme de l’illustration de la page de couv de Pollen. Et c’est pour ce dessin qui m’attirait que je l’ai demandé. Et franchement, je n’ai pas été déçue. Les dessins de Monica Barengo, jeune illustratrice italienne, sont très beaux, délicats, originaux avec des couleurs tout en nuance entre le noir et le beige qui me font penser aux photos couleur sépia. Délicieusement « vintage », décalé… J’ai dégusté cette lecture comme une gourmandise très délicate et charmante. Après, l’histoire en elle-même, ne pouvait que s’adapter à cette illustration. Et c’est, comme le titre l’indique, une histoire d’amour… ou plus simplement une réflexion sur l’amour, le don de soi… Bref un joli petit moment de lecture à découvrir.

 

 

« Et le parfum de leur pollen devint le parfum de ses réveils ».

 

 

Résumé éditeur :

Un jour, une jeune femme qui n’a pas vraiment d’affinités avec les plantes, découvre dans son jardin, une fleur blanche dont elle décide de prendre soin. Elle se met à attendre avec impatience les floraisons de la plante, se nourrit de son parfum et regarde son reflet dans la blancheur de ses pétales. Chaque matin apparait une nouvelle fleur mais bien vite la plante se flétrit. La jeune femme, troublée, cherche à comprendre ce qu’elle a bien pu faire pour mériter cette trahison... un corbeau à la fois sage et cruel la réprimande, lui suggérant de ne pas jouir de ce qu’elle obtient mais de ce qu’elle possède. Les saisons passent et l’été suivant, une nouvelle fleur apparait ...mais cette fois dans le jardin du voisin. Le pollen envahira l’air et enivrera l’âme de la jeune femme, qui réalisera alors l’impalpable fugacité du don.

 

 

« Est-ce que quelque chose d’aussi beau peut s’arrêter ainsi,

sans raison ? se demanda la jeune femme.

Un excès d’amour peut-il dénaturer la chose aimée

au point de la faire mourir ? »

 

 

Je ne résiste pas à l’envie de partager avec vous la vidéo de présentation de cet album, vous pourrez ainsi un peu apprécier ses magnifiques illustrations…

 

http://www.youtube.com/watch?v=5tsgAPUt1og

 

 

« C’est alors que les paroles de la corneille

lui revinrent à l’esprit. « Tu devrais aimer par amour,

et non pour donner ou recevoir en échange.

Tu devrais te réjouir de ce que tu as

et non de ce que tu obtiendras » ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

 

http://www.babelio.com/livres/Cali-Pollen--une-histoire-damour/542076

 

Partager cet article
Repost0
21 avril 2014 1 21 /04 /avril /2014 15:23

petite-communiste-souriait-jamais-1508242-616x0

 

« Ce qu’elle accomplit, ce jour- là, personne se sera capable de le raconter, ne restent que les limites des mots qu’on connaît pour décrire ce qu’on n’a jamais imaginé. Est-ce qu’on peut dire qu’elle prend le temps. Ou qu’elle s’empare de l’air. Ou qu’elle intime au mouvement de se plier à elle ».

 

 

Nadia Comaneci… Je suis de la génération qui l’a vu, admiré en 1976 aux JO de Montréal… et qui n’a pu l’oublier ! En gymnastique, il y un avant et un après Nadia Comaneci !!! C’est d’une telle évidence ! Comme un tremblement de terre…

C’est pour cela que je vous propose après cette « critique », une vidéo de ses premiers « 10/10 ». Pour ceux qui ne connaissent pas (ça existe ?) et pour le plaisir pour les autres !

J’avoue qu’elle m’a fascinée cette petite gymnaste… j’ai adoré surtout ce qu’elle faisait aux barres… et impressionné par ses parcours sur la poutre qui moi, me terrorisait… c’est une torture que de marcher et faire un semblant de gymnastique sur cette barre si peu large pour le commun des mortels dont je faisais partie ! Mais elle !!! Quelle magie et quelle virtuosité !

Bref, d’emblée, j’ai eu très envie de lire ce livre sur sa vie… et puis j’ai regardé la Grande librairie, et j’ai vu et entendu Lola Lafon et cela m’a encore plus intrigué, l’angle sous lequel elle en parlait (pffffffff ce François Busnel est vraiment très doué pour nous donner envie de lire, lire et encore lire ! J)

Lola Lafon, l’auteur, d’origine franco-russo-polonaise, a été élevée à Sofia, Bucarest et Paris. Elle connait donc bien la Roumanie. Elle a visiblement écrit son récit en étant en rapport, surtout téléphonique avec Nadia Comanenci à qui elle faisait relire ses textes et en faisant énormément de recherches documentaires et en se rendant aussi en Roumanie sur les traces de Nadia et des personnes qui l’auraient connue.

Le texte d’ailleurs est entrecoupé de « conversations » que Lola et Nadia ont eues. On sent bien que les rapports entre les 2 femmes ont été relativement compliqués. L’une renvoyant à l’autre des vérités qu’elle ne voulait/voudrait pas entendre, reconnaitre, admettre. Chacune ayant une certaine vérité (celle des documents, des vidéos, des journaux etc. et celle de ses souvenirs, de sa propre vie, de ce qu’elle veut bien dire, assumer, comprendre ou pas !).

Ce livre c’est le récit des années d’entrainement, les privations, les succès, mais aussi les déconvenues, la Roumanie sous l’ère de Nicolae Ceaușescu (l’âge d’or et après, la chute du couple Ceausescu), le monde de la gymnastique (après 1976, on a idolâtré les petites filles pré-pubères, et on a jeté aux orties celles qui grandissaient, devenaient logiquement des femmes, avec leurs formes, un peu plus de poids, leurs menstruations etc.), la descente aux oublis, aux enfers de Nadia, ses errements, sa fuite à l’ouest, ses grandes déceptions, ses « erreurs », les manipulations dont elle a été victime toute sa vie, ses rapports avec son entraineur Béla… et tant d’autres choses qui font que ce livre est passionnant, intéressant, touchant, effarant… bref à lire. Absolument.

Perso, j’ai juste eu un peu de mal avec l’écriture de Lola Lafon, moyennement apprécié sa façon de construire son livre… mais ce n’est pas grave, il mérite vraiment d’être lu…. vraiment ! Le propos doit être connu.

 

 

« Et... Est-ce qu'elle ne pourrait pas sourire un peu ? Elle soupire. Désolée, mais si mon pied mord la bande après une diagonale de saltos, même de trois centimètres (elle lève sa main et déplie le pouce, l'index et le majeur), je suis pénalisée. Alors oui, elle sait sourire, mais une fois sa mission accomplie ».

 

 

Le premier dix parfait - Nadia Comaneci

 

http://www.olympic.org/video-fr/le-premier-dix-parfait-nadia-comaneci

 

 

« Cette remarque de Béla concernant les gymnastes de l'époque, "elles avaient peur de se décoiffer", c'est le contraire de ce dont ça a l'air, une blague misogyne, m'affirme Nadia quand nous discutons ce chapitre au téléphone.

"Elles avaient effectivement peur d'être pas assez "féminines", car la grâce et la tenue étaient ce que les juges favorisaient chez les filles. Transpirer était réservé à la gym masculine, les femmes, elles, ne devaient pas paraître trop sportives... Béla, lui, s'en fichait qu'on soit jolies, il élisait chaque semaine la plus casse-cou d'entre nous et aussi la plus rapide. On voulait toutes avoir la médaille... Il valorisait notre force, , notre courage ou notre endurance, pas nos coiffures ! Je crois qu'il a voulu travailler avec des filles très jeunes pour ça, parce qu'on n'avait pas eu le temps d'apprendre ces... "règles" ».

 

 

Résumé éditeur :

Parce qu’elle est fascinée par le destin de la miraculeuse petite gymnaste roumaine de quatorze ans apparue aux JO de Montréal en 1976 pour mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records au point d’accéder au statut de mythe planétaire, la narratrice de ce roman entreprend de raconter ce qu’elle imagine de l’expérience que vécut cette prodigieuse fillette, symbole d’une Europe révolue, venue, par la seule pureté de ses gestes, incarner aux yeux désabusés du monde le rêve d’une enfance éternelle. Mais quelle version retenir du parcours de cette petite communiste qui ne souriait jamais et qui voltigea, d’Est en Ouest, devant ses juges, sportifs, politiques ou médiatiques, entre adoration des foules et manipulations étatiques ?

Mimétique de l’audace féerique des figures jadis tracées au ciel de la compétition par une simple enfant, le romanacrobate de Lola Lafon, plus proche de la légende d’Icare que de la mythologie des “dieux du stade”, rend l’hommage d’une fiction inspirée à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue.

 

Et ce qu’écrit Lola Lafon, l’auteur, d’origine franco-russo-polonaise, élevée à Sofia, Bucarest et Paris :

"C’est un dialogue fantasmé entre Nadia Comaneci, la jeune gymnaste roumaine de quatorze ans devenue, dès son apparition aux J. O. de 1976, une idole pop sportive à l’Ouest et « plus jeune héroïne communiste » à l’Est, et la narratrice, « Candide occidentale » fascinée, qui entreprend d’écrire son histoire, doutant, à raison, des versions officielles. L’histoire d’une jeune fille face à ses juges, qu’ils soient sportifs, politiques, médiatiques, désirée et manipulée également par les États, qu’ils soient communistes ou libéraux. L’histoire, aussi, de ce monde disparu et si souvent caricaturé : l’Europe de l’Est où j’ai grandi, coupée du monde, aujourd’hui enfouie dans une Histoire close par la chute d’un Mur.

 

Comment raconter cette « petite communiste » à qui toutes les petites filles de l’Ouest ont rêvé de ressembler et qui reste une des dernières images médiatiques non sexualisée de jeune fille sacralisée par un Occident en manque d’ange laïque ?

 

La Petite Communiste qui ne souriait jamais est l’histoire de différentes fabrications et réécritures : réécriture, par CeauŞescu, du communisme dans la Roumanie des années 1980, fabrication du corps des gymnastes à l’Est comme à l’Ouest, réécriture occidentale de ce que fut la vie à l’Est, réécriture et fabrication du récit par l’héroïne-sujet, qui contredit souvent la narratrice et, enfin, réécriture du corps féminin par ceux qui ne se lassent jamais de le commenter et de le noter…

 

C’est cette phrase-là, à la une d’un quotidien français, commentant Nadia Comaneci aux J. O. de Moscou, qui m’a décidée à écrire ce roman : « La petite fille s’est muée en femme, verdict : la magie est tombée. » Ce roman est, peut-être, un hommage à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue."

 

L. L

 

 

« Les premiers mois, aucune d’entre elles n’a la force musculaire de recommencer plus de quinze fois à la suite cette minute trente de sauts périlleux, équilibres tenus et saltos. Elles souffrent de points de côté, leurs muscles tétanisés les font tituber d’une acrobatie à l’autre, des ivrognes haletantes. Toute la journée, il commande : refais. Recommence. Les poignets des petites en équilibre cèdent sous leur poids. Des crampes les tiennent éveillées la nuit, la faim les réveille de plus en plus tôt, à 4 heures du matin, il les entend chuchoter dans le dortoir. Au dîner, elles se nourrissent en silence, des gestes secs pour porter la fourchette à leur bouche. Leurs larmes changent, elles aussi : ce qu’elles pleurent, à chaque entraînement, c’est l’impossibilité d’aller plus loin, enragées comme devant une construction de tendons et de muscles qui cèdent avant elles.

Béla travaille l’enivrement, l’étourdissement. Autour des barres et de la poutre, il fait creuser une fosse remplie de gros morceaux d’une mousse épaisse. Il les encourage à courir se jeter dans la fosse. Chaque jour, il intègre une acrobatie supplémentaire dans leur course, jusqu’à ce qu’elles perdent totalement l’appréhension de la chute, leur dos arqué méprisant le sol. Et tout accélère, leurs voix se font plus aiguës, leurs sauts plus rapides, toute peur émoussée. Chaque soir, elles se succèdent devant le médecin pour être réparées. Un claquage, une entorse qu’elles supplient de faire disparaître pour le lendemain matin. Le médecin s’exécute. Offre anti-inflammatoires, antidouleurs et corticoïdes. À Noël, elles rentrent chez elles pour trois jours de vacances ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio :

 

http://www.babelio.com/livres/Lafon-La-petite-communiste-qui-ne-souriait-jamais/557514

 

 

« A qui est la cuisse ? Et ce ventre ? Nadia soulève son tee-shirt devant la glace précautionneusement. L’envie de pleurer l’assoit sur le tapis de sa chambre, elle inspire profondément pour que ça passe, une nausée de tristesse. Pas envie. Plus envie. Elle est traversée de peine. Sa vie, dure comme un vaillant train télécommandé, s’enraye. L’obéissance n’est qu’une des pièces détraquées et manquantes du puzzle parfait de sa vie précédente, parmi celles-ci : cette faim permanente qui rend le sommeil difficile (rêver qu’on mange et s’éveiller à l’aube terrorisée d’avoir failli manger), les mains entamées d’ampoules et de minuscules coupures jamais refermées, les cuisses tatouées de bleus ancrés dans les veines et ces muscles dont les fibres lâchent, tendons claqués toujours rattrapés de justesse par les indispensables codéine et cortisone ».

 

 

« Quand j'étais petite et que les gens apprenaient que je m'entrainais six heures par jour, j'étais cette "pauvre petite fille". Si j'avais été un garçon, personne ne m'aurait plainte, non ? Vous connaissez ce vieux dicton, le sport fera de toi un homme, mon garçon ! Pas valable pour les filles? Moi, j'aimais ça, combien de fois il faudra que je le certifie, j'ai choisi ».

 

 

« À l’autre bout du fil, elle se tait. Puis, sèchement :

“Vous allez lire quoi, après ? Des journaux à scandale ? Allez-vous finir par me faire confiance ? Les dossiers secrets de la Securitate sont vos sources, vraiment ?

- Ces dossiers peuvent être consultés maintenant, avez-vous lu celui qui vous concerne ?

- Non.

- Vous le ferez un jour ?

- Jamais. Jamais. Je n’ai pas envie d’apprendre ce que je ne veux pas savoir, d’ailleurs, ceux qui y sont allés ont été détruits par ce qu’ils ont lu.

- Ah… Qu’ont-ils découvert ?

- Bon. Tout le monde ou presque allait rapporter ce qu’il connaissait de ses voisins à la Securitate pour être tranquille. On n’avait pas trop le choix. Mais certains ont découvert récemment que leur mari ou leurs enfants les surveillaient pour le compte de la Securitate… Alors, qui croire ? Ces dossiers sont remplis des mensonges de tous ceux qui cherchaient à s’en tirer le moins mal possible !”

Je raccroche avec la sensation qu’en terminant notre conversation là-dessus, elle cherche à me faire douter de toutes les versions que je lis, indépendamment de la sienne ».

 

 

« En 1984 ou 1985, je ne sais plus, où une femme est morte après un avortement. La Securitate a obligé la famille à organiser les obsèques devant l'usine, son cadavre était exposé pour l'exemple. L'exemple... ils exposaient aussi le corps des vivantes, comme Nadia, avec ces cartes postales d'elle partout, ses triomphes : mortes ou vivantes, on leur était utiles ».

 

 

« Tous les sportifs qui gagnent sont des symboles politiques. Ils promeuvent des systèmes. Communisme, à l'époque, capitalisme, aujourd'hui ».

 

 

« Elena tombée quelques jours avant l'ouverture des Jeux, lors d'un entraînement. On murmure qu'elle a été forcée de recommencer trop tôt, avant que l'os ne se ressoude. On ne sait rien de l'accident, sauf ceci : le salto Thomas, sa spécialité, elle l'effectuait à reculons (en se signant en cachette dans le dos de son entraîneur). Un jour je me briserai le cou monsieur le professeur. Non Elena les filles comme toi ne se brisent pas le cou. Les filles comme toi ne finissent pas en fauteuil roulant dans une chambre, la nuque putain de brisée net paralysée du cou jusqu'aux pieds après un super E et il faudra attendre un an puis deux, dix et encore dix avant de crever la veille d'un Noël, des "suites de l'accident".

Nadia plonge, sa jambe en arabesque derrière elle, un long soupir tracé au pinceau. Puis, son pied droit pointé devant, elle se détourne des mortes, des battues, tous ces sanglots de filles fracturées, et posément aligne - flic flac - les cartes de mauvais sort retournées, vaincues, une fois de plus, elle les salue, ils sont debout, follement aimants, bouleversés d'avoir goûté à l'odeur terrible d'un mauvais sort repoussé ».

 

 

« Une fille faisait la moue quand je récitais ma documentation, cette suite de décrets atroces : “Tout ça est vrai. Mais… On était tellement sûrs que ça ne changerait jamais qu’on s’organisait pour durer, on avait cette vigilance intérieure, pas un instant on n’oubliait que ce qu’on nous faisait réciter était faux. Du coup, on se sauvegardait une vie en dehors de l’État. Le communisme ? Mais personne n’y croyait, enfin, pas même les sécuristes ! Alors que maintenant… Ils y croient ! Ils en veulent ! Ils sont prêts à tout pour entrer dans votre Union européenne, à genoux devant saint Libéral, ils sortent du boulot à 23 heures, tout ça pour quoi ? Je ne suis pas partie en vacances depuis six ans ! Mes parents eux, sous Ceauşescu, allaient à la mer et à la montagne, au restaurant, au concert, au cirque, au cinéma, au théâtre ! Tout le monde gagnait plus ou moins la même chose, les prix n’augmentaient presque pas ! Ils avaient constamment peur, c’est vrai, peur qu’on ne les entende dire des choses interdites, aujourd’hui, on peut tout dire, félicitations, seulement personne ne nous entend… Avant, on n’avait pas l’autorisation de sortir de Roumanie, mais aujourd’hui, personne n’a les moyens de quitter le pays… Ah, la censure politique est terminée, mais pas de souci, elle a été remplacée par la censure économique ! »

 

Partager cet article
Repost0
19 avril 2014 6 19 /04 /avril /2014 14:57

51jTeRnKd1L-copie-1.jpg

 

 

 

« Lorsqu’il eut mis son butin en sécurité, le bedeau se décida à alerter le curé.

 

Paris, le lundi 25 février 1572, 10 heures, le matin

 

Pierre Talbot, le curé de la paroisse, avait fait prévenir les services du diocèse avant de se rendre à l’église. Il savait que le prévôt viendrait bien assez tôt et qu’alors, comme cela était devenu une habitude, les deux juridictions se querelleraient sans fin, sans pouvoir déterminer laquelle des deux était compétente pour enquêter sur ce crime. Déjà, l’année précédente, la rivalité entre les deux avait desservi l’enquête et sans doute permis au criminel d’échapper aux foudres de la justice. En ce qui le concernait, son choix était sans équivoque. A ses yeux, l’autorité diocésaine était forcément la seule habilitée à gérer cette affaire. Il avait beau ne pas être toujours d’accord avec son évêque, il avait le sens de la hiérarchie et une haute idée de son devoir. Au grand dam de ses paroissiens, il avait dû annuler la première messe, le temps d’effectuer les constatations d’usage et de remettre en ordre les lieux.

- La même chose que l’été dernier ! répétait Séverin, son bedeau. La même chose, monsieur le curé !

- Et, mon pauvre Martin, c’est encore toi qui as eu la malchance de découvrir ce crime.

- Aucun problème, monsieur le curé, le rassura Séverin. Avant d’être à votre service, j’étais fossoyeur à Saint-Etienne du Mont. Les cadavres, je connais, ça ne me fait pas peur.

- Alors pourquoi as-tu l’air aussi inquiet ?

- Ce n’est pas le cadavre, monsieur le curé, mais le signe.

- Quel signe, Martin ?

- Le même signe que sur l’été dernier. Dans la main. Ce dessin ».

 

 

J’ai entendu parler de Jean-Michel Lecocq via un ami, instituteur dans le Var et qui avait beaucoup aimé ce livre, « 24 » (merci JF). Et j’ai découvert à cette occasion que Jean-Michel Lecocq était né à Bogny-sur-Meuse dans les Ardennes… où je vis (les Ardennes, pas Bogny lol) et qu’il était désormais installé dans le Var. Il a été longtemps inspecteur de l'Éducation nationale de la circonscription de Sedan. Et si j’ai bien compris, un de ses premiers livres prend Sedan comme lieu de son histoire. Donc je m’étais dit, je lirai ce monsieur… j’ai forcé un peu le destin, en demandant « 24 » pour mon anniversaire (merci les copines !).

Et voilà je viens de le terminer, et franchement je ne suis pas déçue !

J’ai beaucoup aimé. Très bon suspens, agréable à lire, bien écrit qui nous emmène dans Paris aux veilles de la Saint Barthélémy (et oui je retrouve ce fou de Charly 9 même si ce n’est pas lui le personnage principal et que le style d’écriture est bien différent de celui de Jean Teulé). Décidément, nous n’avions rien à envier à tous les Serbes, Hutus et autres génocidaires actuels ! Et nous n’avons aucune leçon à leur donner… nous avons bien fait les choses, quelle horreur !!! Je ne m’y habituerai jamais, même si je « connais » les faits.

L’intrigue : Des crimes rituels tous les 24 du mois. Les victimes dans le monde la musique. Une enquête qui piétine… Catherine de Médicis fait venir de son Florence natal, son filleul, Vincenzo, jeune prodige musicien, dont elle espère qu’il pourra mener, discrètement, l’enquête et trouver enfin le nom du criminel et mettre fin à ces meurtres qui mettent en péril, la très fragile paix entre Catholiques et Réformés. Enigme trouvée trop tard pour éviter la Saint Barthélémy….

Je ne vous dirais rien d’autre… à vous de lire pour connaître le dénouement.

Franchement, je vous conseille vivement cette lecture, et moi je vais me mettre en quête des autres livres de Jean-Michel Lecocq car j’aime son écriture ! Yauque nem ! J

 

 

Résumé éditeur :

Eté 1572. Depuis bientôt un an, le 24 de chaque mois. le cadavre d'un homme est retrouvé dans une église de Paris. Onze sont déjà tombés sous les coups d'un mystérieux tueur en série. Tous sont musiciens et appartiennent à l'académie de musique et de danse créée par le roi. A l'exception d'une seule, les victimes portent toutes, gravé au creux de la main droite, un étrange symbole. La rivalité qui oppose la police de la prévôté à celle du diocèse porte préjudice à une enquête qui piétine. Les affrontements religieux font peser sur le royaume une menace de guerre civile. Ces meurtres exacerbent les tensions. Les rumeurs vont bon train. Quand certains accusent la Cour des miracles, d'autres mettent en cause les Réformés, d'autres encore les Catholiques ultras. L'impatience du pouvoir royal est à son comble. Catherine de Médicis, qui ne croit en aucune de ces rumeurs et qui pense que la solution est à trouver dans le milieu de la musique, fait venir de Florence son filleul Vincenzo, un jeune musicien talentueux, pour qu'il mène une enquête discrète. Le Florentin parviendra-t-il à surmonter tous les obstacles placés devant lui et à démasquer celui que, désormais, tout Paris surnomme le Scarificateur ?

 

 

« Alors ? s’impatienta la reine, à l’adresse du mage.

Les tissus sont déjà en partie détériorés, répondit Pulverini mais la disposition des taches est encore lisible.

J’attends ! s’énerva Catherine.

Ce sont bien les Réformés, Majesté, lui annonça le mage.

Et c’est tout ? insista-t-elle.

Pulverini avait commandé à Tasquin d’ouvrir plus profondément. Le scalpel avait poursuivi son œuvre. Le cerveau du pauvre Delforti était présent presque séparé en deux. Le bailli n’observait plus la scène. Il avait ostensiblement tourné les talons et, d’un air désaprobateur, il affectait de regarder le plafond voûté. Au contraire, Desmeliers était ravi et son visage, d’ordinaire si dur, s’était figé dans un sourire presque béat.

Les Réformés, je l’avais bien dit, se permit-il de clamer, en regardant le bailli d’un air triomphant.

Silence ! ordonna la reine. Ce n’est pas terminé ! Continuez Pulverini !

Le mage s’était penché jusqu’à toucher du nez le crâne ouvert.

L’assassin est un Calviniste. C’est sûr. Ils sont même sans doute plusieurs si j’en juge par le nombre des taches. Mais je vois aussi autre chose, à présent.

Vas-tu enfin te décider à être plus précis ? s’emporta Catherine.

Eh bien ma reine, je vois qu’un homme est venu en ces lieux. Il a posé des questions. Cet homme connaît la vérité. Il est venu ces jours derniers.

La reine était rouge de colère. Grandfontaine, qui la connaissait, s’attendait au pire et pressentait l’explosion qui allait s’abattre sur le mage ou sur eux tous, sans distinction. Catherine était capable de colères violentes et, dans ces instants-là, il ne faisait pas bon se trouver dans les parages ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

 

http://www.babelio.com/livres/Lecocq-24-Thriller/462936

 

 

« Paris, le mardi 26 août 1572, l’après-midi

 

A l’image de la fièvre qui avait embrasé Paris trois jours durant, la chaleur était retombée d’un cran. Pour autant, si la canicule ne sévissait plus avec la même force, l’atmosphère était devenue lourde et l’orage menaçait. La capitale était semblable à une ruche où chacun s’activait à redonner aux rues l’aspect paisible que Vincenzo avait découvert à son arrivée. La tâche était rude. Les cadavres s’entassaient aux carrefours, attendant les chariots qui devaient les emmener hors des murs, vers les faubourgs où des fosses avaient été creusées. Des femmes éplorées, des hommes hagards, traînant parfois derrière eux une progéniture dépenaillée, cherchaient dans les monceaux de dépouilles l’un des leurs disparu depuis la veille ou l’avant-veille. Les visages, rendus la plupart du temps méconnaissables, ne permettaient plus d’identifier un parent, un enfant ou un ami. Il était impossible de se fier à un objet, à un bijou, tous les cadavres ayant été dépouillés. On s’en remettait aux vêtements souillés de sang et de poussière quand ils n’avaient pas été totalement déchirés ».

 

 

 

Partager cet article
Repost0
8 avril 2014 2 08 /04 /avril /2014 23:37

9782258104105FS-copie-1.gif

 

« Les années passées dans les plaines de l'Ouest avaient appris à Glass que survivre ou mourir pouvait dépendre des performances de son fusil ».

 

 

J’ai toujours bien aimé les histoires d’indiens et de cow-boys… cela me rappelle de bons souvenirs d’enfance. Bon là, les cow-boys sont plutôt des trappeurs, mais l’idée est là. Donc je remercie Babélio et les éditions Presses de la Cité qui m’ont permis de découvrir ce premier roman de Michael Punke « Le revenant » dans le cadre d’une opération Masse Critique.

C’est une histoire basée sur des faits réels qui se déroule aux Etats-Unis, dans les grands espaces, encore peu explorés, où la nature règne en maître et où les tribus indiennes sont nombreuses et encore un peu « chez elles » dans ces terres « inconnues ».

Les hommes ont de tout temps été attirés par l’aventure, l’inconnu, l’appât du gain, le pouvoir… ainsi la Rocky Mountain Fur Compagny envoie-t-elle ses trappeurs pour ouvrir la voie au commerce des peaux et autres richesses de ces grands espaces.

Dans ce décor grandiose, c’est l’histoire d’un homme, Hugh Glass, très grièvement blessé par un grizzli, un peu soigné par ses compagnons… qui finalement le pensant perdu, le laisse avec deux « volontaires » qui doivent rester jusqu’à la fin et l’enterrer. Mais il survit contre toute attente. Et la peur, la bêtise, la lâcheté, la jeunesse et pour l’un l’égoïsme et la méchanceté, font qu’ils finissent par l’abandonner, seul, grièvement blessé, en terrain dangereux (nature hostile, indiens), sans arme, sans nourriture, bref, sans rien…

Sa volonté, son envie de vivre, de survivre, de se venger feront qu’Hugh Glass va petit à petit « guérir » et partir, au départ en rampant, à la recherche de ces 2 traitres.

C’est une belle aventure humaine que ce roman. La lecture est agréable et on s’attache à cet homme volontaire, courageux, Hugh Glass.

Par contre, la fin laisse un goût d’inachevé. Elle m’a paru trop rapide, sans réel dénouement.

Ceci dit, je vous conseille néanmoins la lecture de ce livre si vous avez envie d’aventure et d’un grand bol d’air frais.

 

 

« Les bandes n'empêchaient presque pas le dos de saigner. Il prit le temps de réfléchir.

- Il faut recoudre les blessures profondes, ou il se videra de son sang, décida-t-il.

- Et sa gorge ?

- Aussi, mais elle est tellement abîmée que je ne sais pas par où commencer.

Henry prit dans sa sacoche du fil noir épais et une grande aiguille ».

 

 

Résumé éditeur :

1823, Missouri. Tandis qu'une première expédition a été attaquée et annihilée par une tribu indienne, la Rocky Mountain Fur Company force sa chance et engage une poignée d'hommes dans une nouvelle tentative pour rallier Fort Union par un trajet inédit et périlleux. Parmi l'équipée, le trappeur Hugh Glass est attaqué par un grizzli quelques jours après le départ. Défiguré, la gorge et l'abdomen dévastés par les coups de pattes de l'animal, il est laissé en arrière avec deux hommes, chargés de le veiller jusqu'à sa mort. Mais Glass s'accroche à la vie. Et chaque heure qui passe rend le trajet pour rallier Fort Union plus dangereux à Fitzgerald et au jeune Jim Bridger, tous deux portés volontaires pour rester avec Glass. Convaincu par le premier d'abandonner leur compagnon agonisant à son funeste sort, Bridger disparait à son tour dans les bois. C'est la dernière image que le trappeur gardera de ses anciens partenaires.

Quelques heures plus tard, contre toute attente, il reprend connaissance. Il est seul, en territoire indien, sans arme, sans nourriture. Incapable de se déplacer, souffrant le martyre en raison de ses blessures infectées, délirant, déshydraté, il s'accroche à la vie comme un damné. Son unique motivation : la vengeance. Peu à peu, mû par la colère et aguerri par l'expérience d'une vie hors norme, il reprend des forces.

Commence alors le récit hors du commun d'un homme prêt à tous les sacrifices pour retrouver ceux qui l'ont abandonné dans l'Ouest, plus sauvage que jamais.

 

 

« Bridger écrasait de la viande sur une pierre quand Fitzgerald surgit dans la clairière.

- Y a cinq Peaux-Rouges qui remontent la Grand River ! s’écria-t-il avant de commencer à jeter nerveusement ses quelques affaires dans son sac.

Il leva soudain vers Bridger des yeux empreints de peur et de colère.

- Grouille-toi, gamin ! Ils seront sur nos traces d’une minute à l’autre !

Le jeune homme fourra la viande dans son parflèche, accrocha sac et sacoche à ses épaules, se tourna pour prendre son fusil, appuyé contre un arbre près de l’Anstadt de Glass. Glass ! Les implications d’une fuite précipitée le frappèrent soudain comme une gifle. Il baissa les yeux vers le blessé.

Pour la première fois de la matinée, il avait les yeux ouverts. Sous le regard attentif du jeune homme, les yeux de Glass, d’abord vitreux et hébétés, comme au sortir d’un profond sommeil, parurent accommoder puis rendirent son regard au jeune homme en toute lucidité. Comme Bridger, Glass avait comprit ce que signifiait la présence d’Indiens sur la berge ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio :

 

http://www.babelio.com/livres/Punke-Le-revenant/576223

 

 

« Ils l'abandonnaient. Le blessé le comprit quand il regarda le garçon, lequel baissa la tête puis se détourna, incapable de soutenir son regard ».

 

 

« Il ne trouva toutefois pas ce dont son corps avait un besoin impérieux. Cela faisait douze jours que le grizzly l’avait assailli. Avant d’être abandonné, Glass avait avalé quelques gorgées de bouillon deux ou trois fois. Sinon, il n’avait eu que le crotale comme véritable nourriture. Les baies et les racines pouvaient le sustenter pendant quelques jours, mais pour guérir, pour se remettre sur pied, il lui fallait les riches nutriments que seule la viande fournissait, il le savait. Le serpent avait été un coup de chance qui ne se répéterait probablement pas. Surtout s’il restait sans bouger.

Le lendemain, il recommencerait à ramper, et si la chance ne venait pas à lui, il ferait tout pour la provoquer ».

 

 

« Glass regarda de nouveau les loups, qui lui parurent soudain plus gros. Il hésita un instant. Non, il ne devait pas changer d'avis. C'est ma chance. La branche allumée dans une main, les quatre en réserve dans l'autre, il descendit du haut de la berge en direction des loups. Cinquante mètres plus loin, le mâle dominant et sa femelle levèrent les yeux de la patte arrière du bison pour regarder l'étrange animal qui s'approchait de la carcasse. Ils le considéraient avec curiosité, sans voir en lui un défi, car ils avaient mangé leur content.

A vingt mètres, le vent tourna et les quatre animaux affairés sur la proie sentirent l'odeur de la fumée. Tous se retournèrent. Glass s'arrêta, face à face maintenant avec quatre carnivores. De loin, on pouvait les comparer à des chiens ; de près, ils ne ressemblaient pas du tout à leurs cousins domestiqués. Un loup blanc montra ses crocs ensanglantés et fit un demi-pas vers Glass, un grondement s'échappant de son gosier. Il abaissa une épaule, mouvement qui semblait tout à la fois défensif et offensif ».

 

 

« Il aimait l'idée que la griffe qui lui avait infligé de profondes blessures pendait maintenant à son cou. Un porte-bonheur, pensa-t-il avant de s'endormir ».

 

 

« Glass savait que sa proie se trouvait quelque part devant lui, plus proche à chaque heure qui passait. Il retrouverait Fitzgerald, parce qu'il n'aurait pas de repos avant de l'avoir fait ».

 

 

« Glass se leva, s’approcha lentement de la glace.

Il ne fut pas vraiment stupéfait. Il s’attendait au changement. C’était quand même étrange de voir enfin les blessures que, pendant des semaines, il avait seulement pu imaginer. Trois marques de griffes parallèles traçaient des lignes profondes dans la barbe fournie de sa joue. Il pensa à des peintures de guerre. Rien d’étonnant à ce que les Sioux lui aient témoigné du respect. Du tissu cicatriciel rosâtre entourait la limite de son cuir chevelu et le dessus de sa tête présentait quelques entailles. Il remarqua que là où poils et cheveux repoussaient, du gris se mêlait désormais au châtain, en particulier dans sa barbe. Il examina attentivement sa gorge. Là aussi, des andains marquaient le chemin des griffes, et des balafres noueuses indiquaient les endroits des sutures.

Glass défit sa tunique en daim pour regarder son dos mais le miroir sombre ne montrait guère plus que les contours des longues blessures. L’image mentale des asticots le hantait encore. Il abandonna son examen et descendit ».

 

Partager cet article
Repost0
30 mars 2014 7 30 /03 /mars /2014 14:45

9782709636599-G.jpg

 

« La vitesse avec laquelle le vieillard est passé du désespoir à l’offensive prend Michiel de court. Il sent son propre pouls s’accélérer, la colère monter en lui. Il humecte le rasoir, redresse le menton de son père de sa main libre et passe la lame délicatement sur une joue. Puis rince à nouveau le rasoir maculé de mousse. Il repasse dans sa trace, l’élargissant, se déplaçant vers l’oreille.

- Il y a eu une époque, P’pa, où j’aurais aimé te donner un aperçu de ce que tu nous faisais endurer. -Sa voix est posée, son ton paraît résigné, même à ses propres oreilles-. Une sorte de revanche. Mais cette envie a disparu, avec le temps.

Il se détend, porte son attention sur le rasoir, même s’il pèse chacun de ses mots. Dans le silence de la salle de bains, le crissement de l’acier sur les poils revêches ressemble au ressac de la mer. Et quand je t’ai vu sur le perron, en pyjama dans ton fauteuil roulant –c’est ça qu’il aimerait lui dire-, j’ai compris que la vengeance ne me ferait aucun bien à présent. Les photos qu’avait apportées Ounooi ne laissaient rien paraître de l’infirmité de son père, ni de ses tremblements. Elle a voulu te présenter tel que tu devais être, il y a encore quelques années. En réalité, tu es devenu trop vieux pour que je m’en prenne à toi… P’pa. Trop vieux et trop faible. Trop pitoyable. La vengeance est peut-être un plat qui se mange froid, mais à trop retarder le plaisir, il perd de sa saveur ».

 

 

Ah un livre écrit par un auteur sud-africain (un Afrikaner) qui se déroule pour une grosse partie en Afrique du Sud… d’emblée, cela m’intéresse. En plus, dès les 1ères pages, est fait allusion à André Brink, un de mes auteurs favoris… André Brink, auteur sud-africain aussi, un Afrikaner qui a écrit contre et sur l’apartheid, en pleine période d’apartheid… ça c’est un homme ! Et un écrivain que j’aime vraiment beaucoup…

Tout était réuni pour que je prenne plaisir à cette lecture… et ça a été le cas. J’ai beaucoup aimé ce livre de Mark Behr, Les rois du Paradis (titre que je comprends après avoir lu le livre, mais qui n’est pas attrayant à prime abord, mais ne vous arrêtez pas à cela et ouvrez-le et lisez-le !).

Ce roman nous parle de l’histoire personnelle de Michiel, jeune afrikaner né dans une famille blanche en Afrique du Sud, propriétaire d’une ferme appelée Le Paradis. Ses parents, Oubaas, le père, dur et peu ouvert pour ne pas dire autre chose, et Ounooi la mère, plus douce, plus ouverte, aventureuse. 2 frères, l’aîné, Peet, mort noyé, et le petit dernier, Benjamin qui sera l’espoir, le préféré du père. Et bien sûr, Michiel, un peu différent, aimant la poésie, peu sur de lui…

A l’occasion de l’enterrement d’Ounooi et le retour pour la 1ère fois de Michiel en Afrique du Sud après 15 ans d’exil, par petite touche, on revient sur l’histoire familiale, qui se confond avec l’histoire de l’Afrique du Sud… on découvre petit à petit ce qui s’est passé pour chacun, et le pourquoi de beaucoup de drames, de secrets… cela permet d’aborder l’apartheid, l’armée sud-africaine, l’homosexualité en Afrique du Sud, l’après apartheid, l’avenir de ce pays… C’est bien écrit et la lecture est assez addictive… livre terminé assez rapidement.

Je vous le conseille vivement.

 

 

« - Dag, Broer. – Son frère lui tend la main, les yeux toujours aussi bleus derrière ses lunettes, les tempes grisonnantes. Une poignée de main ferme.

- Je te présente Giselle, poursuit Benjamin en anglais. Thomas, Bianca, venez dire bonjour à l’oncle Michiel.

Tenant ses enfants par les épaules, Giselle s’approche de Michiel. Le garçon, avec son début d’acné au front et sa mèche décolorée, est déjà un adolescent. La fille a peut-être neuf ans. Les enfants tendent la main droite et, presque à l’unisson, disent : « Enchanté de faire votre connaissance ». Pas la moindre trace d’accent afrikaans. Bianca, la fillette, répond au sourire de Michiel. Elle a la même bouche et la même dentition qu’Ounooi. Thomas ne cache pas sa méfiance et a déjà reculé vers sa mère. « Alors, c’est toi l’oncle d’Amérique… semblent dire ses yeux. Celui qui a brisé le cœur de mamie Beth. Celui dont il ne faut pas prononcer le nom en présence d’Oubaas ». Giselle s’avance et embrasse Michiel ».

 

 

Résumé éditeur :

Lorsque Michiel Steyn revient en Afrique du Sud pour l’enterrement de sa mère, il a passé plus de la moitié de sa vie à l’étranger : à Londres, en Australie, aux îles Salomon, à San Francisco surtout, où il enseigne l’anglais à des étudiants étrangers. Pourtant, malgré ces quinze années d’absence, Michiel n’a pas oublié ce qui l’a poussé à fuir la ferme familiale Le Paradis. Des arbres fruitiers, des champs à perte de vue, une source, du bétail, des voisins fermiers, les ouvriers noirs et les servantes travaillant pour les maitres : c’est là que Michiel a grandi avec ses parents, et ses deux frères, les rois d’un royaume menacé. Le rite du deuil et de la nostalgie se mêlent. Les souvenirs affleurent : la colère toujours vive d’un père, la mort d’un frère, la perte d’un enfant, la trahison d’un amour et le souvenir honni et honteux de l’Apartheid. Michiel doit affronter la douleur d’avoir perdu sa mère et les conséquences de sa disparition, de son silence. Personne n’est innocent. Michiel cherche les traces d’un monde disparu, les traces de son enfance et de sa jeunesse, de l’homme qu’il était. Son retour au pays ne dure qu’une journée à peine, le temps des funérailles et d’une nuit avec les siens. Partout Michiel perçoit l’odeur de sa mère qui est aussi celle d’un pays oublié, d’un passé enfoui.

 

 

"- Sans vouloir te mettre mal à l’aise, est-ce que ta mère peut te poser deux questions ?

Enfin, un bref coup d’œil vers lui.

Il hocha la tête, contrit.

- Je voudrais savoir si tu as, toi aussi, cette maladie. Et si c’est le cas, y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour toi ?

Il agita la main avant de répondre.

- Kamil est séropositif. Pas moi. Il suit un traitement. Et, pour l’instant, il est en aussi bonne forme que moi.

- Vous saurez prendre soin l’un de l’autre. Kamil est quelqu’un de bien.

Elle tapa dans ses mains puis lui frotta le dos affectueusement.

- Ounooi, j’ai eu tort de te dire ces choses-là.

Elle chercha ses yeux et rejeta ses excuses d’un geste, comme si elles étaient inutiles, ou plutôt hors de propos.

- Quand on sera rentrés, j’espère que tu partageras avec ta mère un verre d’Amplexus. (Elle lui lança un clin d’œil.) Avec un peu de ton délicieux raisin chilien !"

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

 

http://www.babelio.com/livres/Behr-Les-rois-du-Paradis/469360

 

 

« - C’est possible, Benjamin, réplique Giselle sans cacher son agacement, mais je réfute la thèse stupide prétendant que tout individu dressant un parallèle avec le Zimbabwe est un raciste. (Elle regarde un à un tout le monde.). J’en ai marre qu’on me brandisse sous le nez la carte de la méchante raciste chaque fois que je tente d’exprimer des craintes parfaitement légitimes. Une fois étiquetée « raciste » on est pieds et poings liés ; comment pourrais-je intervenir, à l’église, quand Sam Thabane ment effrontément sur les raisons pour lesquelles la piscine n’a pas été réouverture ? D’autres « priorités » se sont imposées (avec ses doigts, elle dessine dans l’air les guillemets). Foutaises ! Puisque je suis la raciste de service, je ne peux plus demander au maire où est passé tout l’argent qu’Ounooi avait collecté pour le projet. Et soit dit en passant, j’ai moi-même donné mille rands pour la réfection de la piscine.

- Ils ont créé une commission d’enquête pour établir ce qui s’est passé, Giselle, précise Karien.

- Cela fait deux ans qu’ils vous mènent en bateau avec ça. C’est une toute petite ville, pas une métropole, Karien !

Tout le monde reste silencieux. Pour la deuxième fois de la journée, Michiel a envie d’une cigarette.

Puis Dirk explique que la récupération des terres a commence à Thab’Nchu. Les expulsés avaient des titres de propriétés datant de cent soixante-dix ans. Et dans la township, on parle de nouveau de restituer les terres du coin au Lesoto, à qui elles ont été prises en 1860. Toutes les propriétés de ce côté du Caledon ».

 

 

Il se souvient du dodelinement de la tête de son père contre son épaule, et, encore une fois, il se revoit portant Kamil dans ses bras, le descendant dans la baignoire. La terreur de ces jours de cauchemar l’emplit de nouveau, l’époque où Kamil avait perdu trente kilos en quatre mois de diarrhée ininterrompue, avec Rachel et Malik qui faisaient le voyage tous les quinze jours pour être avec eux. Il ne l’avait dit à personne mais une part de Michiel est indissolublement liée à Glassman, en prévision du prochain calvaire qui attend peut-être Kamil. Un calvaire qui sera celui de Michiel encore. Même s’il n’y a aucun signe d’une menace latente, même si Kamil respire la santé –hormis ces fines ridules autour de la bouche que la maladie a laissées-, ils savent l’un comme l’autre qu’on connaît très peu les effets à long terme du traitement. Cinq ans de prise de médicaments, tous les jours. Pour de nombreux malades, l’AZT n’avait été efficace que durant une année. On parlait d’effets secondaires sur le foie, les reins, le cœur. Quelles conséquences la trithérapie avait-elle sur le corps même si elle empêchait sa dégénérescence ?

 

Partager cet article
Repost0
23 mars 2014 7 23 /03 /mars /2014 22:27

http://et-en-plus-elle-lit.cowblog.fr/images/editionsfoliogallimardalexandradavidneeljenniferlesieur.gif

 

« Explorateurs, mes amis, continuez donc vos voyages, c’est bien la meilleure manière qui nous soit donnée de remplir notre vie ».

 

 

J’ai toujours été fascinée par Alexandra David-Néel, cette femme, « en robe » escaladant les sommets du Toit du monde, la 1ère femme étrangère entrant à Lhassa, ville interdite, ville mythique du Tibet… bref, une sacrée femme du début du 20e siècle. Je m’étais toujours dit que je la lirai… pas encore fait, mais on m’a offert cette très belle biographie d’elle… et franchement, lecture passionnante et étonnante.

Étonnante car Alexandra David-Néel est une femme exceptionnelle, incroyable, avec un fort tempérament, au bas mot, une intelligence hors du commun, une volonté dépassant l’entendement et une énorme soif de découverte.

Intéressant aussi de lire cette biographie, qui paraît sincère et juste, dans le sens où le vrai caractère d’Alexandra est bien décrit, et pas toujours à son avantage.

On découvre son enfance pas très heureuse, sa vie de chanteuse pour vivre, sa vie sentimentale, peu orthodoxe, et surtout toutes ses explorations. C’est fascinant, toutes ses pérégrinations, dans des conditions souvent difficiles, voire très très difficiles.

Alors bien sur il y a le Tibet, Lhassa… mais pas seulement. Il y a aussi l’Inde, la Chine, la Russie, le Japon. Elle se trouve dans des pays en guerre, ou sur le point d’y entrer. Elle vit les grands bouleversements de l’Asie. Et tout ceci avec beaucoup de calme, même si elle a frôlé plus d’une fois la mort, n’a pas mangé à sa faim, a été épuisé par de longues marches dans de mauvaises conditions etc.

J’ai aimé que le texte soit régulièrement entrecoupé par les mots d’Alexandra, elle-même. Des photos très touchantes sont insérées au milieu du livre.

Quelques personnages de son entourage sont très émouvants : Philippe Néel son mari, Yongden son fils adoptif, et Marie-Madeleine qui a été près d’elle ses 10 dernières années.

Force de la nature, Alexandra est décédée un mois avant son 102e anniversaire.

J’avoue que cette lecture me donne envie, encore plus, de lire Alexandra David-Néel… et pourquoi pas aller à Digne dans sa maison qui abrite maintenant sa fondation et peu à peu se transforme en musée : Samten Dzong.

« Digne toujours accueillante dans son écrin de montagnes et de verdure qu’Alexandra appelait "Himalaya pour lilliputiens" ».

Je vous conseille vivement la lecture de cette biographie.

 

 

« De retour à Paris, elle publie des articles philosophiques et féministes, où elle se préoccupe d’équilibre social, sujet peu courant pour une femme  à l’époque. Faisant fi des conventions, elle rue dans les brancards avec de plus en plus d’aplomb. Dans « Autorité paternelle », paru dans La Fronde du 28 août 1900, elle n’hésite pas à s’en prendre à la plus intouchable des institutions : la famille !

« Sans préambules superflus, je dirai tout de suite que l’autorité paternelle me semble une conception héritée des barbares, un vrai non-sens à notre époque ».

Plus original encore, elle évoque les droits des enfants. Si leurs parents ne leur conviennent pas, ils devraient avoir le droit de les quitter et demander une mise sous tutelle de leur plein gré… Elle dénonce aussi les maisons de correction, qui ne servent qu’à former et nourrir de futurs délinquants ».

 

 

Résumé éditeur :

« Ne crie pas que tu donneras ta vie pour tes principes, pour la vérité ; mais tâche de ne jamais mentir ».

L’histoire retient d'Alexandra David-Néel (1868-1969) qu’elle est la première européenne à séjourner à Lhassa au Tibet. Jennifer Lesieur rappelle qu’elle fut aussi chanteuse d’opéra, franc-maçonne, journaliste, et qu’elle écrivit une quarantaine de livres dont Voyage d’une parisienne à Lhassa et La Lampe de sagesse. Orientaliste érudite, elle vécut toute sa vie dans la lumière du bouddhisme parce que, disait-elle « il est basé sur la possibilité de se libérer par soi-même de la souffrance ». Du Sikkim à Kalimpong, de Lachen au Tibet, en passant par le Japon, la Corée, la Chine, la Mongolie nous suivons pas à pas cette exploratrice audacieuse, féministe convaincue, jusqu’à Digne, petite ville de Haute-Provence, où elle s’éteint à presque 101 ans, dans la « douceur sereine d’une inébranlable paix ».

 

 

« Conséquence d’un tel travail, le souvenir de l’Inde se fait plus vif. L’appel de l’Orient la reprend, presque vingt ans après son premier séjour. Cela devient une idée fixe : retourner en Inde, étudier le bouddhisme à sa source. Ses relations avec Philippe sont plus tendues que jamais, leur vie commune est devenue impossible, bien qu’il la connaisse parfaitement et qu’il la traite mieux qu’un mari ordinaire. Il lui réitère alors sa proposition de lui offrir un long voyage. Il espère qu’à son retour elle se pliera enfin à un mode de vie plus traditionnel. Elle accepte ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

 

 

http://www.babelio.com/livres/Lesieur-Alexandra-David-Neel/543660

 

 

« Elle ne mange pas à sa faim, l’eau potable se fait rare, les nuits sont courtes et mauvaises, des accès de fièvre viennent parfois la surprendre le soir… et elle se retrouve à nouveau pleine d’énergie chaque matin. C’est une force de la nature que la rudesse croissante n’effraie pas. Elle passe la nuit dans une baraque de planches branlantes : un petit autel et des bâtons d’encens suffisent à la rendre accueillante, et à lui faire aimer l’environnement tout entier :

« Des génies chuchotant entrent, portés sur un bout de nuage qui pénètre par la croisée, tout le monde étrange des légendes himalayennes vous entoure, il y a des couleurs singulières sur les montagnes, les arbres vêtus de draperies moussues font des gestes étrangers, on est au seuil de « quelque chose » et cela est attirant et vertigineux comme les abîmes bordant les sentiers que l’on suit. (…) J’ai pas mal voyagé mais je n’ai rien vu de semblables aux paysages de ces hautes régions ».

Les Himalayas entrent dans son âme profonde. Et ce n’est qu’un prélude au Tibet :

« Je suis emportée par quelque chose… par quelque chose qui est fait de la force de mes désirs concentrés, accumulés pendant tant d’années. Je vis des heures que je sais ne jamais devoir revivre, des heures studieuses où l’étude est autre chose que la lecture des textes morts, où elle est chose vivante, prenante, grisante infiniment.

Comment revoir encore des villes, s’asseoir encore auprès de mortels affairés, agités, quand on a vécu, ici, ces heures éloquemment silencieuses… » »

 

 

« Elle prend des photographies saisissantes de Tibétains, leurs visages sombres se détachant de costumes flamboyants. Malgré la fragilité des appareils qu’elle trimbale dans ses bagages, la précarité des développements et la lumière aveuglante de ces altitudes, elle rapportera un grand nombre d’images de très belle qualité en Europe. Elles lui prouveront qu’elle n’avait pas rêvé ces paysages, ces hommes et ces femmes aux traits stupéfiants, aux parures uniques.

Finalement si, tout cela est du domaine du rêve. Un rêve renouvelé jour après jour, improbable et merveilleux, dont elle goûte l’étrangeté avec une joie étonnée.

« N’est-ce pas un rêve pour une Parisienne d’être ici sur cette pente de montagne escarpée, nichant son lit de camp sous une voûte de rochers et d’avoir pour unique compagnie celle d’un être qui passe aux yeux des villageois de la région pour un prodigieux sorcier, qui a passé plus de vingt ans de sa vie seul dans des endroits déserts, qui a vécu dans des cimetières, mangé du cadavre, que sais-je ? » ».

 

 

« La traversée est éprouvante, le froid vif leur mord la peau, le vent s’infiltre dans leurs épaisseurs de laine et de feutre. Alexandra a un début d’engelures au nez, sans conséquences. Le soir, ils doivent dresser la tente alors que tombe une neige abondante qui recouvre tout. Des loups viennent rôder autour d’eux, ils dorment d’un œil, le fusil à portée de main. Au bout de quelques jours, la route devenant impraticable, ils font demi-tour. Yongden trouve un logement pas trop misérable à Jakyendo, où ils se résignent à passer l’hiver. Dans sa pièce à vivre, Alexandra se réjouit de posséder un petit brasero qui maintient des températures tout à fait supportables à l’intérieur, entre -10°C la nuit et 5°C le jour… Elle est fatiguée, un peu déçue, mais nullement abattue ».

 

 

http://aeschne.files.wordpress.com/2012/01/ba1.jpg

avec son fils Yongden

 

« Si les parties du Tibet contrôlées par les Chinois sont ouvertes aux étrangers, la capitale est devenue une cité interdite. Donc, le seul endroit où Alexandra veut se rendre coûte que coûte, seul défi de taille à sa folie des grandeurs.

Elle congédie mules, porteurs et domestiques, toute sa troupe, Yongden excepté. Son plan est simple : ils se feront passer pour une mère et son fils en pèlerinage, habillés en mendiants. Ils sillonneront des régions inexplorées, inconnues des cartographes, et d’autres interdites depuis l’annexion par la Chine. Pour éviter de se faire démasquer, ils voyageront de nuit et dormiront le jour, seulement guidés par les pauvres cartes tracées à la main à partir des plans de sir George Pereira et pliées dans les manches d’Alexandra. Elle cache sous sa robe une montre, une boussole, un thermomètre, une bourse contenant quelques pièces d’or et d’argent, un revolver, un sabre court, un bâton ferré. Elle sacrifie son appareil photo, trop lourd et encombrant, impossible à manier discrètement. Vu les milliers de kilomètres à parcourir, il faut voyager le plus léger possible ; même une gourde serait trop lourde. Et puis, cet accessoire pourtant indispensable à toute marche n’est pas d’usage au Tibet. Aucun vêtement de rechange n’est prévu. Un morceau de cuir servira à ressemeler leurs bottes… ou à assaisonner un chaudron d’eau bouillante pour lui donner un bague goût de soupe ».

 

 

Après avoir fait ses adieux à Djarjeeling et à l’Himalaya, elle retrouve les flambées de violence entre Indiens et Britanniques. La guerre l’a cernée sans jamais l’atteindre, mais elle est lasse de ces pays à feu et à sang, elle aspire à la tranquillité, à retrouver ses manuscrits et à allonger encore un peu sa bibliographie. Il est temps de partir. Le 30 juin 1946, Yongden et Alexandra s’envolent pour de bon pour la France, toujours aux frais de l’Etat. Dans l’avion, la nostalgie l’étreint. Un autre défi l’attend, de taille celui-là : la sédentarité.

 

 

« Cette frénésie de travail aide Alexandra à oublier ses douleurs articulaires. Son caractère difficile empire avec l’âge, elle se montre tyrannique envers le pauvre Yongden qui a ses propres soucis de santé. Le 7 novembre 1955, en pleine nuit, on vient frapper à la porte d’Alexandra pour la prévenir que son fils va très mal. Le temps que le médecin arrive, il est trop tard : Yongden meurt d’une crise d’urémie. Il est incinéré, ses cendres sont placées dans une urne en attendant que celles de sa mère adoptive les rejoignent.

Alexandra la fière, la bouddhiste détachée des tendresses qui sont sources de souffrance, est dévastée par ce décès brutal. Elle voulait faire de ce compagnon de quarante ans son héritier et son exécuteur testamentaire. Elle ne se remettra jamais entièrement de cette disparition, bien qu’elle n’ait pas toujours eu des rapports évidents avec ce fils pas comme les autres ».

 

 

« Quand elle demande à Marie-Madeleine quel genre d’image elle rapportera d’elle après sa mort, Marie-Madeleine lui répond : « Madame, je dirai au monde que vous étiez un Himalaya de despotisme ! » A la grande joie de l’exploratrice rassurée, certaine que sa mémoire sera honorée avec fidélité ».

Partager cet article
Repost0
19 mars 2014 3 19 /03 /mars /2014 19:08

 

9782752906700

« Sur le bateau nous étions presque toutes vierges.

Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes.

Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles.

Certaines venaient de la ville et portaient d’élégants vêtements, mais la plupart d’entre nous venaient de la campagne, et nous portions pour le voyage le même vieux kimono que nous avions toujours porté – hérité de nos sœurs, passé, rapiécé, et bien des fois reteint.

Certaines descendaient des montagnes et n’avaient jamais vu la mer, sauf en image, certaines étaient filles de pêcheur et elles avaient toujours vécu sur le rivage.

Parfois l’océan nous avait pris un frère, un père, ou un fiancé, parfois une personne que nous aimions s’était jetée à l’eau par un triste matin pour nager vers le large, et il était temps pour nous, à présent, de partir à notre tour"

 

 

Le sujet de ce livre est très intéressant et émouvant. Des jeunes Japonaises mariées par correspondance par des marieuses à des maris américains au début du 20e siècle qu’elles n’ont vu qu’en photo. Elles font donc un long voyage sans les connaître, avec des rêves plein la tête. Et à l’arrivée, elles sont confrontées à une toute autre réalité. Leurs maris ne sont ni riches, ni élégants, ni « gentils », mais ils les ont fait venir pour avoir des bras pour travailler dur et une femme pour avoir des enfants. Elles vont avoir une vie d’exploitées, d’étrangères… et comble de malchance, au lendemain de l’attaque par les Japonais de Pearl Harbor lors de la 2e guerre mondiale, alors que tous ces Japonais sont là depuis une bonne quarantaine d’années, qu’ils sont citoyens américains pour beaucoup, que leurs enfants sont nés aux Etats-Unis… on les considère immédiatement comme des traites, des terroristes, agents secrets potentiels, des ennemis. Ils sont donc déportés et enfermés loin de chez eux, dans l’indifférence de tous. Ils perdent tout.

Il est bon que des romans ou des films comme « Bienvenue au paradis » d’Alan Parker parlent de ces faits de l’histoire américaine peu connus.

Par contre, je n’ai pas du tout aimé la façon dont Julie Otsuka, elle-même américaine d’origine japonaise (Son propre grand-père avait été arrêté par le FBI au lendemain de Pearl Harbor et sa famille internée pendant trois ans au camp Topaz, dans l’Utah) raconte cette histoire. Elle emploie volontairement un « nous » collectif pour la voix de toutes ces femmes. On n’en suit aucune en particulier, ce qui aurait permis plus volontiers de l’empathie et un attachement à une « héroïne ». Quant elle parle de certains évènements, dans le même paragraphe, elle nous parle, phrase après phrase, d’une dizaine de personnes différentes. C’est assez déstabilisant, et j’avoue, pour ma part, lassant. Cela a beaucoup retiré à l’intérêt que j’ai porté à cette lecture.

Le début et la fin de ce livre sont les moments les plus émouvants pour moi et que j’ai le plus aimé.

Je vous conseille de lire d’autres critiques et de peut être lire tout de même ce roman, car je me sens un peu seule dans ma vision quelque peu négative de ce livre. Ce roman a obtenu un grand succès et reçu le prix Femina étranger 2012. Tous les goûts sont dans la nature, et heureusement !

 

 

« Sois humble. Polie. Montre-toi toujours prête à faire plaisir. Réponds par : "oui, monsieur" ou "Non, monsieur" et vaque à ce qu'on te demande. Mieux encore, ne dis rien du tout. A présent tu appartiens à la catégorie des invisibles ».

 

 

Résumé éditeur :

 

L'écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire. Les voix sont nombreuses et passionnées. La musique sublime, entêtante et douloureuse. Les visages, les voix, les images, les vies que l'auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXe siècle pour épouser aux Etats-Unis un homme qu'elles n'ont pas choisi.

C'est après une éprouvante traversée de l'océan Pacifique qu'elles rencontrent pour la première fois à San Francisco leur futur mari. Celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir.

A la façon d'un chœur antique, leurs voix s'élèvent et racontent leurs misérables vies d'exilées... leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail dans les champs, leurs combats pour apprivoiser une langue inconnue, la naissance de leurs enfants, l'humiliation des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire ... Une véritable clameur jusqu'au silence de la guerre. Et l'oubli.

 

 

« Sur le bateau nous étions dans l'ensemble des jeunes filles accomplies, persuadées que nous ferions de bonnes épouses. Nous savions coudre et cuisiner. Servir le thé, disposer des fleurs et rester assises sans bouger sur nos grands pieds pendant des heures en ne disant absolument rien d'important. Une jeune fille doit se fondre dans le décor : elle doit être là sans qu'on la remarque. Nous savions nous comporter lors des enterrements, écrire de courts poèmes mélancoliques sur l'arrivée de l'automne comptant exactement dix-sept syllabes ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

 

http://www.babelio.com/livres/Otsuka-Certaines-navaient-jamais-vu-la-mer/392691

 

 

« Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n'y a pas à s'inquiéter. Et nous aurions tort ».

 

 

« Beaucoup d'entre nous reprenaient les mêmes chants des moissons que dans leur enfance, essayant d'imaginer qu'elles étaient de retour chez elles au Japon. Car si nos maris nous avaient dit la vérité dans leurs lettres -qu'ils n'étaient pas négociants en soieries mais cueillaient des fruits, qu'ils ne vivaient pas dans des vastes demeures aux pièces nombreuses mais dans des tentes, des granges, voire des champs, à la belle étoile- jamais nous ne serions venus en Amérique accomplir une besogne qu'aucun Américain qui se respecte n'eût acceptée ».

 

 

« Nous avons accouché sous un chêne, l'été, par quarante-cinq degrés. Nous avons accouché près d'un poêle à bois dans la pièce unique de notre cabane par la plus froide nuit de l'année. Nous avons accouché sur des îles venteuses du Delta, six mois après notre arrivée, nos bébés étaient minuscules, translucides, et ils sont morts au bout de trois jours. Nous avons accouché neuf mois après avoir débarqué, de bébés parfaits, à la tête couverte de cheveux noirs ».

 

 

« Si tu reviens, nous avait écrit notre père, tu attireras la honte sur la famille toute entière. Si tu reviens, tes sœurs cadettes ne se marieront jamais. Si tu reviens aucun homme ne voudra plus jamais de toi. Ainsi donc nous sommes restées dans le quartier japonais avec nos nouveaux maris, où nous avons vieilli avant l'heure ».

 

 

« Du jour au lendemain, nos voisins se mirent à nous regarder différemment. Peut-être était-ce la petite fille un peu plus loin sur la route qui ne nous faisait plus signe depuis la fenêtre de la ferme. Ou ce vieux client qui soudain disparaissait de notre restaurant, de notre boutique ».

 

 

« Le soir nous nous asseyions dans nos cuisines avec nos maris penchés sur le journal du jour, dont ils scrutaient chaque ligne, chaque mot, à la recherche d'une information éclairant notre sort. Nous discutions des dernières rumeurs - J'ai entendu dire qu'on nous emmenait dans des camps de travail pour produire de quoi nourrir les troupes ».

 

 

Et nous avions beau savoir que nous partirions bientôt, nous ne cessions d’espérer que quelque chose se passerait pour que nous puissions rester.

Peut-être l’Eglise interviendrait-elle en notre faveur, ou bien la femme du président. A moins qu’il ne s’agisse d’un terrible malentendu et qu’en réalité ils aient l’intention d’emmener d’autres personnes.

Partager cet article
Repost0
14 mars 2014 5 14 /03 /mars /2014 23:33

716oW66dXOL._SL1466_.jpg

 

« Le père de Maria Cristina Väätonen descendait du Nunavut où sa famille finlandaise avait émigré il y avait plusieurs générations. Sa propre mère s’appelait Kokoilla. Ce qui voulait dire quelque chose en finnois. Mais les versions divergent trop pour s’y attarder – et au fond ça n’a aucune importance, Maria Cristina a toujours détesté que les prénoms veuillent dire quelque chose, les choses sont les choses, les gens sont des gens.

(…)

Le père de Maria Cristina lui avait raconté qu’à l’époque où ses ancêtres finlandais s’étaient installés dans ce fjord du Canada, l’océan Arctique n’était pas un océan. Ils auraient donc marché depuis la Laponie jusque là, auraient perdu certains d’entre eux à cause des ours et des loups et établi leur campement dans ce fjord parce qu’il leur faisait penser à leur pays natal ».

 

 

Quel livre étrange… j’ai bien l’impression que chaque ouvrage de Véronique Ovaldé est un peu spécial. C’est le 2e roman que je lis d’elle. J’ai déjà lu « Ce que je sais de Véra Candida » qui m’avait que très moyennement plu. On m’a prêté celui-ci et je me suis dit, pourquoi pas.

Tout le début est singulier… il faut se laisser happer doucement par l’histoire, apprivoiser aussi l’écriture de Véronique Ovaldé, qui, avouons-le, au départ me dérangeait un peu (des ponctuations bizarres, peu d’explications, dans le désordre), et qui finalement a quelque chose d’hypnotique et d’envoutant… je me suis petit à petit fort attachée à Maria Cristina et je l’ai suivi avec bonheur.

En lisant son histoire, je me suis vraiment dit qu’avoir un père et une mère « normaux », bien dans leurs têtes, qui vous aiment et vous donnent une éducation, est un bien précieux, un très bon départ dans la vie. Maria Cristina n’a pas cette chance… et si on y regarde bien, aucun des personnages de ce roman. Ce qui fait à l’arrivée, une galerie de personnages assez décalés, très particuliers. L’enfance et l’adolescence de Maria Cristina se déroulent au Canada… mais pas dans le Canada si cher à mon cœur… non… dans une contrée, perdue, physiquement et intellectuellement… Fait attachant pour moi, la lecture et l’écriture sauvent en partie Maria Cristina de cet univers familial tellement fou et étouffant.

Je n’essaierai pas de vous raconter l’histoire, ce serait trop réducteur et de toute façon, c’est impossible, tellement elle est complexe et simple en même temps… c’est surtout des relations humaines, et/ou des non relations.

Bref à vous de le lire et de le découvrir.

 

 

« On n'avait d'ailleurs pas le droit de prononcer le mot "amour" dans la maison si ce n'était pour évoquer celui de Notre Seigneur. Si l'amour n'était pas spirituel, il n'était qu'un échange de liquides plus ou moins malodorants, une confusion des sens ou une perte de discernement ».

 

 

Résumé éditeur :

Quand Maria Cristina Väätonen reçoit un appel téléphonique de sa mère, dont elle est sans nouvelles depuis des années, l'ordre qu'elle avait cru installer dans sa vie s'en trouve bouleversé.

Celle-ci lui demande instamment de venir chercher pour l'adopter Peeleete, le fils de sa sœur. Nous sommes en juin 1989, Maria Cristina vit avec son amie Joanne à Santa Monica (Los Angeles).

Cela fait vingt ans qu’elle a quitté Lapérouse, et son univers archaïque pour la lumière de la ville et l'esprit libertaire de la Californie des années 70. Elle n'est plus la jeune fille contrainte de résister au silence taciturne d'un père, à la folie d'une mère et à la jalousie d'une sœur

Elle n'est plus non plus l'amante de Rafael Claramunt, un écrivain/mentor qu'elle voit de temps à autre et qui est toujours escorté par un homme au nom d'emprunt, Judy Garland.

Encouragée par le succès de son premier roman, elle est déterminée à placer l'écriture au cœur de son existence, être une écrivaine et une femme libre. Quitte à composer avec la grâce des brigands.

 

 

« Les deux sœurs se bagarraient tout le temps. Elles étaient comme deux petits animaux impitoyables. Elles se tapaient sur la tête, se tiraient les cheveux, se mordaient et s'écorchaient. Elles s'inventaient des insultes, se piquaient avec des épingles de nourrice, ne se nettoyaient pas les ongles pour pouvoir s'infecter quand elles se griffaient, tentaient en permanence de se monter dessus, de s'empiler l'une sur l'autre et d'être celle qui serait tout en haut. Mais aussi elles s'embrassaient, se juraient qu'elles avaient la meilleure sœur qui fût et s'assuraient qu'elles n'auraient pas survécu dans cette famille si elles avaient été fille unique ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

 

http://www.babelio.com/livres/Ovalde-La-grace-des-brigands/487806

 

 

« Mais tu veux faire quoi dans ta vie toi ? Et Maria Cristina répondit, Je veux écrire, et Joanne dit, Des poèmes, des chansons ? Et Maria Cristina dit, Des roman, je veux écrire des histoires, je veux écrire des livres et Joanne dit, Tu ne peux pas écrire des livres, il ne t'est encore rien arrivé ».

 

 

« Il y a toujours ce moment parfait où vous détachez les cordes qui étaient nouées à vos poignets, les cordes y laissent leurs marques et leur brûlure et elles y laisseront longtemps leurs marques et leur brûlure mais quel plaisir de pouvoir regarder vos poignets, de le faire plusieurs fois par jour et de n'y voir que la trace du cordage et pas le cordage lui-même ».

 

 

« Les drames ne surviennent pas dans le hasard et le chaos des choses. Les erreurs de jugement participent d'une grande organisation souterraine qui se répand en racines et radicelles vivaces sous vos pieds, lesquelles attendent leur heure, patiemment, muettement, creusant leurs chemins multiples et fertiles, endurantes pourritures, jusqu'au moment où elles sortent de terre, explosent au grand jour et vous enserrent les chevilles pour vous soustraire à la lumière et vous emporter dans leur obscurité ».

 

 

« En général elle est d'une grande douceur avec lui, d'une certaine façon il lui plaît et lui plaira toujours. Mais elle a renoncé à lui. Elle lui parle souvent avec une distance courtoise. C'est lui qui avait dit un jour : La force c'est un degré d'indifférence de plus ».

 

 

« Ce genre de petite fille, quand elle devient grande, se transforme en une personne d'une intranquillité encombrante. De celles qui passent leur temps à anticiper, conjecturer et présumer à propos de ce qu'on pense d'elles quand elles sont absentes. Qui sont si sensibles à ce qui est dit d'elles dès qu'elles sont sorties de la pièce que l'expectative les rend marteaux ».

 

 

« S’endormir les mains ficelées pour ne pas être tentée de se masturber est une position qui permet d’alimenter idéalement le désir de liberté et de transgression. Pendant que sa sœur gueulait dans son lit et se débattait, essayait de desserrer ses liens en se contorsionnant et appelait leur père malgré son évidente incapacité à protéger ses filles de la dinguerie de sa femme, il y avait quelque chose en Maria Cristina, immobile et le regard fixe, qui répétait, Je prends mon mal en patience, ils ne peuvent rien contre moi.

Alors il est bien évident que ce n’est pas pour répondre à l’appel de sa mère que Maria Cristina s’est rendue en juin 1989 à Lapérouse mais bien plutôt à cause de l’attachement qu’elle avait envers sa sœur, un attachement silencieux, entravé, vrillé, mais assez fort pour qu’il pût lui faire quitter son refuge californien et aller à la rencontre du petit Peeleete ».

 

Partager cet article
Repost0
9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 13:37

71Fr6BUZvPL._SL1500_.jpg

 

« Personne ne sait ou vous vous trouvez, sauf moi, mais je ne pense pas vous être d'un secours quelconque, là où je suis. Et croyez-moi, on ne vous retrouvera jamais. Comprenez bien que vous allez tous mourir. Le tout est de savoir combien de temps vous tiendrez. Et pourquoi ».

 

 

wahou ! C’est le 3e livre de Franck Thilliez que je lis, et à chaque fois, je suis complètement happée par l’histoire, le suspens et je ne peux pas lâcher le livre… encore cette nuit, ce n’était pas raisonnable (ouf le we) mais je l’ai terminé… je voulais absolument savoir.

Il sait y faire, Franck Thilliez, pour nous entrainer dans ses spirales, il tisse sa toile tel une araignée et sans s’en rendre compte, on est pris… il nous faut lire, lire et lire pour connaître enfin le dénouement.

Là, l’histoire est un véritable huis-clos. 3 hommes, prisonniers dans un gouffre. 2 attachés, entravés à une chaine. Et le 3e, « libre » mais avec un  masque total sur le visage qui porte un système explosif. S’il s’éloigne trop loin de ses 2 autres compagnons d’infortune, il explose. Ah oui, j’oubliais, il y a aussi le chien-loup de Jonathan, Pok. Important aussi dans cette histoire.

Ils sont non seulement dans une grotte, un gouffre mais qui se trouve dans un glacier.

Conditions extrêmes de survie. Une ridicule tente a été dressée pour eux, 2 sacs de couchage seulement, 2 oranges… et très peu de gaz et quelques autres éléments disparates. Ils ne se connaissent pas, ne savent pas pourquoi ils sont là… et sont visiblement destinés à mourir ici… l’aventure de la survie et de la cohabitation commence, difficile, très difficile…. La psychologie des personnages, leur passé, leur famille, tout se dévoile, s’entremêle. La montagne, l’escalade, la grimpe, sont très présents… car Jonathan est alpiniste, et visiblement toute cette histoire tourne autour de lui…

Je ne vous raconterai pas la suite… mais c’est très bien écrit, très bien pensé…. et… à vous de lire lol

Je vous le conseille plus que vivement !

 

 

« Je sens que depuis notre emprisonnement sous terre, j'ai grimpé des escaliers qui doivent me mener vers le summum de l'horreur. Que chaque marche me rapproche du sommet d'une tour noire, plongée dans des tempêtes perpétuelles où les âmes hurlent, tourbillonnent et ne trouvent jamais le repos. Que cette construction maudite, elle est bien plus dangereuse que l'Everest, et que ce qui m'attend en haut est un endroit où l'on ne pourra jamais mourir en paix ».

 

 

Résumé éditeur :

Un homme se réveille au fond d'un gouffre, au cœur d'un environnement hostile, deux inconnus et son fidèle chien comme seuls compagnons d'infortune. Il est enchaîné au poignet, l'un des deux hommes à la cheville et le troisième est libre, mais sa tête est recouverte d'un masque effroyable, qui explosera s'il s'éloigne des deux autres. Qui les a emmenés là ? Pourquoi ? Bientôt, une autre question s'imposera, impérieuse : jusqu'où faut-il aller pour survivre ?

 

 

« Mes jambes sont dures, mes muscles gourds, l'inactivité se dresse en ennemi difficile à combattre. Le rachitisme aussi nous menace. La lumière est l'une des composantes nécessaires à la vie ; sans elle, on s'éteint, on se dissocie. Je me rends compte à quel point la chaleur d'un rayon, d'un sourire, me manque ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

 

http://www.babelio.com/livres/Thilliez-Vertige/277683

 

 

« La puissance de l’imaginaire apporte bien plus que les longues descriptions orales ou visuelles.

Elle détruit infiniment plus, aussi.

Aussi, la vision instantanée de cette « chose » allongée à même le sol, prisonnière de son masque au fond d’un gouffre, pourrait tenir une bonne place dans mon album mental des horreurs. Aux côtés de Françoise, impotente dans son lit d’hôpital, et de son crâne désormais chauve ».

 

 

« L'homme est une bête lorsqu'il est confronté à l'enfermement ».

 

 

« Je déteste les glaciers, ils régurgitent les cadavres des alpinistes malheureux, les piègent de leurs crevasses, ils témoignent avec une rage millénaire, que la nature est une tueuse d'hommes ».

 

 

« Tous trois, nous sommes assis sous la tente, autour des maigres éléments dont nous disposons. Les deux oranges sont grosses, pleines de jus, j’en suis sûr. J’en prends une et la caresse d’un geste gourmand. L’envie me prend de lui dessiner deux yeux, un nez, une bouche pour qu’elle me sourie, mais je n’ai même pas de stylo.

Dans notre nid, nul ne parle et n’en ressent l’envie. La toile oscille, comme si des mains invisibles la caressaient. Michel regarde ces mouvements ondulatoires avec son gros masque renfoncé entre ses épaules. Là-bas, dans le noir, le puits se met à chanter. On dirait des tuyaux d’orgue au fond d’une église, c’est effroyable. Puis il y a nos tubes digestifs aussi, qui font de drôles de bruits. Je crois que chacun d’entre nous bascule, en ce moment même, du côté où il se rend compte que, peut-être, personne ne viendra nous chercher ».

 

 

« Dans une situation extrême, je crois que viennent dans l'ordre chronologique l'instinct, puis les sentiments, et finalement les pensées. Voilà pourquoi les situations extrêmes sont dangereuses, car l'instinct peut nous pousser à commettre des actes qui échappent à toute rationalité. Dans ces moments-là, il est alors impossible de savoir ce qui est juste, et ce qui ne l'est pas..... »

 

 

« - Vous, vous êtes un dur, un montagnard, vous résisterez très longtemps sans manger, pas moi. J'ai déjà trop faim, vous avez vu ma corpulence ? Alors restez là si vous voulez, à gratter des oranges, mais moi, je vais aller bouger ces rochers.

Il sort. Farid et moi, on se regarde en silence. Tous les deux, on a compris. A entendre les paroles de Michel, j'ai aussitôt pensé aux rugbymen des Old Christians d'Uruguay, dont l'avion s'est crashé en pleine Cordillère des Andes.

Ces types-là ont dévoré les morts pour survivre ».

 

 

« Robinson avait nommé son île Désespoir. Je décide officiellement d’appeler notre gouffre Vérité.

Sur le tapis, je termine mon « II ». Deuxième jour. Je vais tenter de tenir un calendrier en me calquant sur notre cycle de vie. Quand j’aurai sommeil, je dormirai. Et quand je me réveillerai, quand j’estimerai avoir assez récupéré, je considérerai qu’un jour est passé et je tracerai un trait.

Je sursaute, Michel et Farid aussi. Pour la deuxième fois, un éboulement réveille la nuit. C’est comme si le gouffre se comprimait, se refermait sur nous ».

 

 

« — Regarde Bienvenue, mon araignée, et dis-toi que si un organisme si fragile y arrive, alors nous y arriverons aussi.

Je m’apprête à m’éloigner, il m’appelle.

— Jonathan ? J’ai faim.

La faim, un mot qui me percute le crâne cent fois par jour.

— J’ai faim à un point tel que je pourrais me bouffer le bras. Ça fait quoi ? Trois jours qu’on est ici ? Trois ridicules bâtons verticaux… On dirait que ça fait des mois. Je… Je sais pas s’il y en aura beaucoup d’autres, des bâtons. J’ai… J’ai déjà envie de dormir, et de ne plus jamais me réveiller. Ce serait tellement plus simple.

En entrant de nouveau sous la toile, je me rends compte à quel point nos corps en perdition sentent mauvais.

— C’est maintenant que la sensation de faim se révèle la plus forte. Il faut tenir, ton organisme va s’habituer au manque, l’eau parfumée à l’orange lui suffira. Tu as l’habitude avec le ramadan, non ?

— C’est pas pareil. Et puis, on triche un peu, au ramadan. Là, j’ai le sentiment que les batteries, elles seront bientôt à plat.

— Je sais, je sais. Le froid y joue pour beaucoup, il force notre organisme à puiser dans les réserves pour maintenir la température de croisière. C’est ce qui peut expliquer aussi les choses curieuses que nos yeux voient. Mais si j’ai découvert une petite araignée, c’est qu’il existe d’autres insectes cavernicoles dans ce gouffre, ou d’autres bestioles. Nous les mangerons, s’il le faut.

— J’ai pas vu d’insectes. Aucun être vivant. Les seuls microbes qui traînaient, c’était pour moi. Et même ? Si on trouve un scarabée, on le partage en trois ? »

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Chez Lilou
  • : le partage de mes coups de coeur, en particulier mes lectures...
  • Contact

Profil

  • Lilou

Lilou sur Babelio

Je suis en train de lire

 

 

L'Histoire de France : des origines à 1789 pour les nuls

Jean-Joseph Julaud

 

 

 

 

http://www.furet.com/media/catalog/product/cache/1/image/400x/8a02aedcaf38ad3a98187ab0a1dede95/i/809/9782754001809_1_75.jpg

 

 

 

 

 

 


 

 

 


Pages

Catégories