Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 avril 2014 1 21 /04 /avril /2014 15:23

petite-communiste-souriait-jamais-1508242-616x0

 

« Ce qu’elle accomplit, ce jour- là, personne se sera capable de le raconter, ne restent que les limites des mots qu’on connaît pour décrire ce qu’on n’a jamais imaginé. Est-ce qu’on peut dire qu’elle prend le temps. Ou qu’elle s’empare de l’air. Ou qu’elle intime au mouvement de se plier à elle ».

 

 

Nadia Comaneci… Je suis de la génération qui l’a vu, admiré en 1976 aux JO de Montréal… et qui n’a pu l’oublier ! En gymnastique, il y un avant et un après Nadia Comaneci !!! C’est d’une telle évidence ! Comme un tremblement de terre…

C’est pour cela que je vous propose après cette « critique », une vidéo de ses premiers « 10/10 ». Pour ceux qui ne connaissent pas (ça existe ?) et pour le plaisir pour les autres !

J’avoue qu’elle m’a fascinée cette petite gymnaste… j’ai adoré surtout ce qu’elle faisait aux barres… et impressionné par ses parcours sur la poutre qui moi, me terrorisait… c’est une torture que de marcher et faire un semblant de gymnastique sur cette barre si peu large pour le commun des mortels dont je faisais partie ! Mais elle !!! Quelle magie et quelle virtuosité !

Bref, d’emblée, j’ai eu très envie de lire ce livre sur sa vie… et puis j’ai regardé la Grande librairie, et j’ai vu et entendu Lola Lafon et cela m’a encore plus intrigué, l’angle sous lequel elle en parlait (pffffffff ce François Busnel est vraiment très doué pour nous donner envie de lire, lire et encore lire ! J)

Lola Lafon, l’auteur, d’origine franco-russo-polonaise, a été élevée à Sofia, Bucarest et Paris. Elle connait donc bien la Roumanie. Elle a visiblement écrit son récit en étant en rapport, surtout téléphonique avec Nadia Comanenci à qui elle faisait relire ses textes et en faisant énormément de recherches documentaires et en se rendant aussi en Roumanie sur les traces de Nadia et des personnes qui l’auraient connue.

Le texte d’ailleurs est entrecoupé de « conversations » que Lola et Nadia ont eues. On sent bien que les rapports entre les 2 femmes ont été relativement compliqués. L’une renvoyant à l’autre des vérités qu’elle ne voulait/voudrait pas entendre, reconnaitre, admettre. Chacune ayant une certaine vérité (celle des documents, des vidéos, des journaux etc. et celle de ses souvenirs, de sa propre vie, de ce qu’elle veut bien dire, assumer, comprendre ou pas !).

Ce livre c’est le récit des années d’entrainement, les privations, les succès, mais aussi les déconvenues, la Roumanie sous l’ère de Nicolae Ceaușescu (l’âge d’or et après, la chute du couple Ceausescu), le monde de la gymnastique (après 1976, on a idolâtré les petites filles pré-pubères, et on a jeté aux orties celles qui grandissaient, devenaient logiquement des femmes, avec leurs formes, un peu plus de poids, leurs menstruations etc.), la descente aux oublis, aux enfers de Nadia, ses errements, sa fuite à l’ouest, ses grandes déceptions, ses « erreurs », les manipulations dont elle a été victime toute sa vie, ses rapports avec son entraineur Béla… et tant d’autres choses qui font que ce livre est passionnant, intéressant, touchant, effarant… bref à lire. Absolument.

Perso, j’ai juste eu un peu de mal avec l’écriture de Lola Lafon, moyennement apprécié sa façon de construire son livre… mais ce n’est pas grave, il mérite vraiment d’être lu…. vraiment ! Le propos doit être connu.

 

 

« Et... Est-ce qu'elle ne pourrait pas sourire un peu ? Elle soupire. Désolée, mais si mon pied mord la bande après une diagonale de saltos, même de trois centimètres (elle lève sa main et déplie le pouce, l'index et le majeur), je suis pénalisée. Alors oui, elle sait sourire, mais une fois sa mission accomplie ».

 

 

Le premier dix parfait - Nadia Comaneci

 

http://www.olympic.org/video-fr/le-premier-dix-parfait-nadia-comaneci

 

 

« Cette remarque de Béla concernant les gymnastes de l'époque, "elles avaient peur de se décoiffer", c'est le contraire de ce dont ça a l'air, une blague misogyne, m'affirme Nadia quand nous discutons ce chapitre au téléphone.

"Elles avaient effectivement peur d'être pas assez "féminines", car la grâce et la tenue étaient ce que les juges favorisaient chez les filles. Transpirer était réservé à la gym masculine, les femmes, elles, ne devaient pas paraître trop sportives... Béla, lui, s'en fichait qu'on soit jolies, il élisait chaque semaine la plus casse-cou d'entre nous et aussi la plus rapide. On voulait toutes avoir la médaille... Il valorisait notre force, , notre courage ou notre endurance, pas nos coiffures ! Je crois qu'il a voulu travailler avec des filles très jeunes pour ça, parce qu'on n'avait pas eu le temps d'apprendre ces... "règles" ».

 

 

Résumé éditeur :

Parce qu’elle est fascinée par le destin de la miraculeuse petite gymnaste roumaine de quatorze ans apparue aux JO de Montréal en 1976 pour mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records au point d’accéder au statut de mythe planétaire, la narratrice de ce roman entreprend de raconter ce qu’elle imagine de l’expérience que vécut cette prodigieuse fillette, symbole d’une Europe révolue, venue, par la seule pureté de ses gestes, incarner aux yeux désabusés du monde le rêve d’une enfance éternelle. Mais quelle version retenir du parcours de cette petite communiste qui ne souriait jamais et qui voltigea, d’Est en Ouest, devant ses juges, sportifs, politiques ou médiatiques, entre adoration des foules et manipulations étatiques ?

Mimétique de l’audace féerique des figures jadis tracées au ciel de la compétition par une simple enfant, le romanacrobate de Lola Lafon, plus proche de la légende d’Icare que de la mythologie des “dieux du stade”, rend l’hommage d’une fiction inspirée à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue.

 

Et ce qu’écrit Lola Lafon, l’auteur, d’origine franco-russo-polonaise, élevée à Sofia, Bucarest et Paris :

"C’est un dialogue fantasmé entre Nadia Comaneci, la jeune gymnaste roumaine de quatorze ans devenue, dès son apparition aux J. O. de 1976, une idole pop sportive à l’Ouest et « plus jeune héroïne communiste » à l’Est, et la narratrice, « Candide occidentale » fascinée, qui entreprend d’écrire son histoire, doutant, à raison, des versions officielles. L’histoire d’une jeune fille face à ses juges, qu’ils soient sportifs, politiques, médiatiques, désirée et manipulée également par les États, qu’ils soient communistes ou libéraux. L’histoire, aussi, de ce monde disparu et si souvent caricaturé : l’Europe de l’Est où j’ai grandi, coupée du monde, aujourd’hui enfouie dans une Histoire close par la chute d’un Mur.

 

Comment raconter cette « petite communiste » à qui toutes les petites filles de l’Ouest ont rêvé de ressembler et qui reste une des dernières images médiatiques non sexualisée de jeune fille sacralisée par un Occident en manque d’ange laïque ?

 

La Petite Communiste qui ne souriait jamais est l’histoire de différentes fabrications et réécritures : réécriture, par CeauŞescu, du communisme dans la Roumanie des années 1980, fabrication du corps des gymnastes à l’Est comme à l’Ouest, réécriture occidentale de ce que fut la vie à l’Est, réécriture et fabrication du récit par l’héroïne-sujet, qui contredit souvent la narratrice et, enfin, réécriture du corps féminin par ceux qui ne se lassent jamais de le commenter et de le noter…

 

C’est cette phrase-là, à la une d’un quotidien français, commentant Nadia Comaneci aux J. O. de Moscou, qui m’a décidée à écrire ce roman : « La petite fille s’est muée en femme, verdict : la magie est tombée. » Ce roman est, peut-être, un hommage à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue."

 

L. L

 

 

« Les premiers mois, aucune d’entre elles n’a la force musculaire de recommencer plus de quinze fois à la suite cette minute trente de sauts périlleux, équilibres tenus et saltos. Elles souffrent de points de côté, leurs muscles tétanisés les font tituber d’une acrobatie à l’autre, des ivrognes haletantes. Toute la journée, il commande : refais. Recommence. Les poignets des petites en équilibre cèdent sous leur poids. Des crampes les tiennent éveillées la nuit, la faim les réveille de plus en plus tôt, à 4 heures du matin, il les entend chuchoter dans le dortoir. Au dîner, elles se nourrissent en silence, des gestes secs pour porter la fourchette à leur bouche. Leurs larmes changent, elles aussi : ce qu’elles pleurent, à chaque entraînement, c’est l’impossibilité d’aller plus loin, enragées comme devant une construction de tendons et de muscles qui cèdent avant elles.

Béla travaille l’enivrement, l’étourdissement. Autour des barres et de la poutre, il fait creuser une fosse remplie de gros morceaux d’une mousse épaisse. Il les encourage à courir se jeter dans la fosse. Chaque jour, il intègre une acrobatie supplémentaire dans leur course, jusqu’à ce qu’elles perdent totalement l’appréhension de la chute, leur dos arqué méprisant le sol. Et tout accélère, leurs voix se font plus aiguës, leurs sauts plus rapides, toute peur émoussée. Chaque soir, elles se succèdent devant le médecin pour être réparées. Un claquage, une entorse qu’elles supplient de faire disparaître pour le lendemain matin. Le médecin s’exécute. Offre anti-inflammatoires, antidouleurs et corticoïdes. À Noël, elles rentrent chez elles pour trois jours de vacances ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio :

 

http://www.babelio.com/livres/Lafon-La-petite-communiste-qui-ne-souriait-jamais/557514

 

 

« A qui est la cuisse ? Et ce ventre ? Nadia soulève son tee-shirt devant la glace précautionneusement. L’envie de pleurer l’assoit sur le tapis de sa chambre, elle inspire profondément pour que ça passe, une nausée de tristesse. Pas envie. Plus envie. Elle est traversée de peine. Sa vie, dure comme un vaillant train télécommandé, s’enraye. L’obéissance n’est qu’une des pièces détraquées et manquantes du puzzle parfait de sa vie précédente, parmi celles-ci : cette faim permanente qui rend le sommeil difficile (rêver qu’on mange et s’éveiller à l’aube terrorisée d’avoir failli manger), les mains entamées d’ampoules et de minuscules coupures jamais refermées, les cuisses tatouées de bleus ancrés dans les veines et ces muscles dont les fibres lâchent, tendons claqués toujours rattrapés de justesse par les indispensables codéine et cortisone ».

 

 

« Quand j'étais petite et que les gens apprenaient que je m'entrainais six heures par jour, j'étais cette "pauvre petite fille". Si j'avais été un garçon, personne ne m'aurait plainte, non ? Vous connaissez ce vieux dicton, le sport fera de toi un homme, mon garçon ! Pas valable pour les filles? Moi, j'aimais ça, combien de fois il faudra que je le certifie, j'ai choisi ».

 

 

« À l’autre bout du fil, elle se tait. Puis, sèchement :

“Vous allez lire quoi, après ? Des journaux à scandale ? Allez-vous finir par me faire confiance ? Les dossiers secrets de la Securitate sont vos sources, vraiment ?

- Ces dossiers peuvent être consultés maintenant, avez-vous lu celui qui vous concerne ?

- Non.

- Vous le ferez un jour ?

- Jamais. Jamais. Je n’ai pas envie d’apprendre ce que je ne veux pas savoir, d’ailleurs, ceux qui y sont allés ont été détruits par ce qu’ils ont lu.

- Ah… Qu’ont-ils découvert ?

- Bon. Tout le monde ou presque allait rapporter ce qu’il connaissait de ses voisins à la Securitate pour être tranquille. On n’avait pas trop le choix. Mais certains ont découvert récemment que leur mari ou leurs enfants les surveillaient pour le compte de la Securitate… Alors, qui croire ? Ces dossiers sont remplis des mensonges de tous ceux qui cherchaient à s’en tirer le moins mal possible !”

Je raccroche avec la sensation qu’en terminant notre conversation là-dessus, elle cherche à me faire douter de toutes les versions que je lis, indépendamment de la sienne ».

 

 

« En 1984 ou 1985, je ne sais plus, où une femme est morte après un avortement. La Securitate a obligé la famille à organiser les obsèques devant l'usine, son cadavre était exposé pour l'exemple. L'exemple... ils exposaient aussi le corps des vivantes, comme Nadia, avec ces cartes postales d'elle partout, ses triomphes : mortes ou vivantes, on leur était utiles ».

 

 

« Tous les sportifs qui gagnent sont des symboles politiques. Ils promeuvent des systèmes. Communisme, à l'époque, capitalisme, aujourd'hui ».

 

 

« Elena tombée quelques jours avant l'ouverture des Jeux, lors d'un entraînement. On murmure qu'elle a été forcée de recommencer trop tôt, avant que l'os ne se ressoude. On ne sait rien de l'accident, sauf ceci : le salto Thomas, sa spécialité, elle l'effectuait à reculons (en se signant en cachette dans le dos de son entraîneur). Un jour je me briserai le cou monsieur le professeur. Non Elena les filles comme toi ne se brisent pas le cou. Les filles comme toi ne finissent pas en fauteuil roulant dans une chambre, la nuque putain de brisée net paralysée du cou jusqu'aux pieds après un super E et il faudra attendre un an puis deux, dix et encore dix avant de crever la veille d'un Noël, des "suites de l'accident".

Nadia plonge, sa jambe en arabesque derrière elle, un long soupir tracé au pinceau. Puis, son pied droit pointé devant, elle se détourne des mortes, des battues, tous ces sanglots de filles fracturées, et posément aligne - flic flac - les cartes de mauvais sort retournées, vaincues, une fois de plus, elle les salue, ils sont debout, follement aimants, bouleversés d'avoir goûté à l'odeur terrible d'un mauvais sort repoussé ».

 

 

« Une fille faisait la moue quand je récitais ma documentation, cette suite de décrets atroces : “Tout ça est vrai. Mais… On était tellement sûrs que ça ne changerait jamais qu’on s’organisait pour durer, on avait cette vigilance intérieure, pas un instant on n’oubliait que ce qu’on nous faisait réciter était faux. Du coup, on se sauvegardait une vie en dehors de l’État. Le communisme ? Mais personne n’y croyait, enfin, pas même les sécuristes ! Alors que maintenant… Ils y croient ! Ils en veulent ! Ils sont prêts à tout pour entrer dans votre Union européenne, à genoux devant saint Libéral, ils sortent du boulot à 23 heures, tout ça pour quoi ? Je ne suis pas partie en vacances depuis six ans ! Mes parents eux, sous Ceauşescu, allaient à la mer et à la montagne, au restaurant, au concert, au cirque, au cinéma, au théâtre ! Tout le monde gagnait plus ou moins la même chose, les prix n’augmentaient presque pas ! Ils avaient constamment peur, c’est vrai, peur qu’on ne les entende dire des choses interdites, aujourd’hui, on peut tout dire, félicitations, seulement personne ne nous entend… Avant, on n’avait pas l’autorisation de sortir de Roumanie, mais aujourd’hui, personne n’a les moyens de quitter le pays… Ah, la censure politique est terminée, mais pas de souci, elle a été remplacée par la censure économique ! »

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

P
<br /> alors et le lapin  ?  .. il t'a amené de la lecture lui aussi ! bizz ma Véro .. je digère aujourd'hui !<br />
Répondre

Présentation

  • : Chez Lilou
  • : le partage de mes coups de coeur, en particulier mes lectures...
  • Contact

Profil

  • Lilou

Lilou sur Babelio

Je suis en train de lire

 

 

L'Histoire de France : des origines à 1789 pour les nuls

Jean-Joseph Julaud

 

 

 

 

http://www.furet.com/media/catalog/product/cache/1/image/400x/8a02aedcaf38ad3a98187ab0a1dede95/i/809/9782754001809_1_75.jpg

 

 

 

 

 

 


 

 

 


Pages

Catégories